On ne peut s'empêcher de songer à Homeland en lisant ce roman dense et envoûtant de Henry Bromell, qui a collaboré à quelques épisodes de la série télévisée avant sa mort.

L'auteur et scénariste américain s'est inspiré dans les deux cas de son enfance passée à l'étranger sous l'égide d'un père qui travaillait pour la CIA. Son alter ego romanesque, Terry Hooper, est désormais adulte et historien ; 40 ans se sont écoulés depuis que son père a été stationné dans le Korach, pays fictif du Moyen-Orient qui n'existe plus et où les États-Unis avaient des intérêts stratégiques. Les événements de l'année 1958 le hantent toujours, mais son père refuse de s'ouvrir sur le passé. Terry entreprend donc de remonter le cours de l'histoire par lui-même, interrogeant leurs anciennes connaissances et épluchant les archives de la CIA.

Le chemin sur lequel nous entraîne Little America est sombre et tortueux. On découvre avec intérêt les tractations américaines en pleine guerre froide et les rivalités géopolitiques rigoureusement détaillées et transposées dans la fiction ; on retient surtout la quête d'un fils profondément troublé.

Voilà un roman ambitieux et encore très pertinent, même s'il paraît aujourd'hui en français plus de 15 ans après sa parution originale.

***1/2

Little America

Henry Bromell

Éditions Gallmeister

416 pages

Extrait

«Nous vivions là ‒ mon père, ma mère, moi et un cocker appelé Winston ‒ dans une maison en location de Clinton Street. Je ne dirais pas que mon père, une fois entré à la CIA, devint un homme heureux; la mélancolie est, je m'en aperçois aujourd'hui, profondément ancrée dans les gènes de ma famille. Je dirais plutôt qu'il passa d'une forme d'anxiété à une autre. Son cou ne se coinçait plus, mais les sécrétions acides dues au recueil de renseignements finirent par provoquer un trou assez conséquent dans son estomac et les saignements faillirent le tuer.»