Au début des années 70, le jeune Juan De Vere est engagé comme secrétaire du cinéaste madrilène Eduardo Muriel. Son bureau est installé au domicile du réalisateur de films de série B à Z. Cela lui permet aussi de connaître sa femme Beatriz. Vite, Juan comprendra que le couple est tendu, que le mari est cruel avec sa femme, toujours belle à ses jeunes yeux. Quel est le mystère à l'origine de cette guerre conjugale ?

Juan se met à faire sa propre enquête qui le mène de découvertes en questions de plus en plus intimes. Chemin faisant, il approfondit les longues années du franquisme dont il est le citoyen tardif et il façonne l'homme qu'il sera devenu au moment où il raconte ses souvenirs, en 2014.

Marías ponctue sa longue analepse de multiples digressions capables de faire perdre le fil aux lecteurs distraits. Elles sont pourtant tantôt évocatrices du climat de l'époque où le divorce était interdit, où les vainqueurs de la guerre civile continuaient de profiter des républicains vaincus longtemps après l'installation au pouvoir du caudillo, tantôt un tableau baroque du milieu dans lequel étaient produits et tournés les films du cinéma bis qui a fait la gloire de Jess Franco, oncle de l'auteur.

**1/2

Si rude soit le début

Javier Marías

Gallimard

576 pages

Extrait

« On oublie bien plus facilement ce qui sort de notre bouche que ce qui entre par nos oreilles. Il n'avait aucune idée de ce à quoi je faisais allusion.

 - Tu as dit : "Rien ne procure plus grande satisfaction que lorsqu'elles ne veulent pas, mais ne peuvent dire non."

Même si par la suite elles veulent, "une fois qu'elles se sont vues obligées de dire oui". Ensuite, tu as parlé de la rancoeur qu'il leur reste "de ne pas avoir eu le choix la première fois". Obligées ? Mais elles ne peuvent pas refuser ?

Je répétai ce qu'il avait dit, j'insistai.

- Tu m'expliqueras comment il faut comprendre ces mots. »