Avec d'autres orphelins, le narrateur est mobilisé pour retrouver un fugitif dans la vaste taïga de la Sibérie orientale. Celui-ci a tôt fait de le repérer, de le maîtriser et de lui raconter sa propre histoire. Celle d'un jeune homme, mobilisé en 1952 par l'armée pour traquer et capturer vivante une personne coupable de désertion.

Il y va de l'avenir d'un petit gradé, prêt à tout pour son avancement. Par bien des ruses et de la persévérance, la proie saura les vaincre un à un, jusqu'au dernier qui renonce à sa capture et s'en rapproche plutôt. C'est à son tour d'être traqué.

Quand on a connu les affres de la paranoïa soviétique, on comprend peut-être davantage la maxime rousseauiste selon laquelle l'homme naît bon, mais la société le corrompt. Elle est en filigrane de ce magnifique roman en forme de récit gigogne.

Makine compose une superbe fable qui met en lumière la nature profonde des gens lorsqu'ils sont privés de leurs repères. Sa narration sublime dresse aussi un parallèle entre la beauté sauvage de la Sibérie et le caractère sauvage de la société soviétique, en particulier de ceux qui aspiraient à la diriger.

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L'archipel d'une autre vie. Andreï Makine. Seuil. 283 pages.