Après l'immense succès d'En finir avec Eddy Bellegueule, ce récit autobiographique dans lequel Édouard Louis revenait sur l'intimidation et l'homophobie qu'il avait subies dans son adolescence, le second roman de l'auteur de 24 ans est arrivé. Hélas, Histoire de la violence - qui s'inspire aussi d'un drame vécu - risque de décevoir les amateurs du jeune phénomène du milieu littéraire français.

«J'ai rencontré Reda un soir de Noël. Je rentrais chez moi après un repas avec des amis, vers quatre heures du matin. Il m'a abordé dans la rue et j'ai fini par lui proposer de monter dans mon studio.» Le désir a ses raisons que la prudence ignore. Cette nuit d'amour tournera mal: l'auteur a été violé par Reda, un Kabyle qu'on prend toujours pour un Arabe. 

Histoire de la violence raconte l'agression, mais surtout le choc post-traumatique de la victime. Pour ce faire, le roman juxtapose deux points de vue différents. Celui du narrateur, qui revient sur les événements en superposant les couches de pensées et d'arrière-pensées; puis la version de la soeur d'Édouard Louis, quelques mois plus tard. Entre parenthèses et en italique, l'auteur réagit à la version de sa soeur, comme s'il ajoutait des didascalies à sa propre mise en scène. Curieux procédé. 

Une blessure narcissique

Si l'écriture est splendide, la structure alambiquée et la narration laborieuse sont assez pénibles. Cette histoire violente nous laisse de glace... Et le livre nous tombe plusieurs fois des mains. 

Le lecteur a l'impression que l'auteur n'a aucune distance par rapport à son sujet. On se sent comme un voyeur qui assiste à la thérapie d'un jeune homme qui soigne sa blessure narcissique. 

Avec des thèmes aussi universels que la souffrance, la peur, la sexualité, le récit fait du surplace autour du nombril de l'auteur.

En entrevue, Édouard Louis dit avoir écrit un roman social, et non psychologique. Il excuse même la violence de son agresseur contre lui. «Je sais à quel point, quand vous venez d'un milieu dominé, exclu, comme c'était le cas de Reda, toutes les marques de supériorité sociale sont humiliantes. Je trouve plus d'excuses à mon agresseur qu'au racisme de la police.» Son livre serait donc «une sorte de vengeance contre le discours des autres», voire de l'extrême droite en France. 

Or, pour démontrer le mécanisme de la honte qui se transforme en vengeance, il faut autant de psychologie que de talent. Ici, le jeune écrivain s'est perdu dans les méandres de sa conscience. Il n'y a rien de choquant ni de dérangeant dans ce roman, juste de l'ennui.

* * 1/2

Histoire de la violence. Édouard Louis. Seuil, 230 pages.