La Turquie, c'est un «vieux pont géant entre l'Orient aux pieds nus et l'Occident bien chaussé», écrit Hakan Günday. Un pont que les migrants traversent, entreposés comme du bétail, en répétant aux passeurs le seul mot turc qu'ils connaissent pour demander un peu plus d'eau: «encore».

Par la voix du jeune Gazâ, l'écrivain turc raconte sans pudeur l'horreur de ce trafic humain scrupuleusement organisé et facilité par des autorités corrompues. Le garçon a 9 ans lorsque son père lui apprend le métier de passeur et le force à travailler à ses côtés.

Hanté par la mort d'un Afghan tué par sa faute, Gazâ devient lentement un monstre, trop lâche pour fuir ce père qu'il déteste mais dont il cherche sans cesse l'approbation.

Günday, qui a reçu le prix Médicis étranger pour ce roman en novembre dernier, livre un récit poignant sur la perte de l'enfance et la construction de l'identité, truffé de références à des conflits régionaux.

Volontiers provocateur, l'écrivain se sert brillamment de la fiction pour dénoncer la corruption qui gangrène son pays, les guerres de religion, le colonialisme et l'hypocrisie des démocraties occidentales face à un drame qui se joue quotidiennement aux portes de l'Europe.

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Encore. Hakan Günday. Galaade éditions. 384 pages.