Voici les grands thèmes de la tragédie grecque transposés devant la base américaine de Tarsandan, dans la province de Kandahar. Une jeune femme afghane réclame le corps de son frère afin de l'enterrer dignement.

Ayant perdu ses jambes dans le bombardement américain qui a décimé sa famille, Nizam se déplace en charrette et affirme que Youssouf était un véritable héros pachtoune, ennemi des talibans. Les militaires se méfient de la nouvelle venue: s'agit-il d'une soeur endeuillée, d'une kamikaze, d'une envoyée des talibans ou d'une tentative de diversion?

Nizam refuse de partir et les soldats l'observent à distance pendant qu'elle joue du luth. Son courage soulève un doute. Si elle dit la vérité, ne doit-on pas la traiter avec compassion? Pendant qu'ils pleurent la mort de leurs compagnons d'armes, que leurs femmes demandent le divorce et qu'ils désespèrent de revoir leur pays, les militaires américains s'interrogent sur leur engagement.

La structure polyphonique du roman permet à Nizam, au traducteur, au médecin et à quelques officiers de prendre la parole tour à tour. Le point de vue de chacun fait ressortir la complexité de la situation et le suspense demeure entier jusqu'à la dernière ligne.

* * * 1/2

Une Antigone à Kandahar. Joydeep Roy-Bhattacharya. Gallimard, 364 pages.