Décidément, la barbe est dans l'air du temps. Mais ne vous y trompez pas; le premier roman de Julie Demers est aux antipodes du Mile End et de ses hipsters à la pilosité débridée.

Il nous plonge plutôt au coeur des années 40, dans l'intimité d'une chaumière gaspésienne, où une étrange jeune fille voit le jour.

Nul besoin d'être devin pour saisir que nous suivrons le chemin de croix d'une «femme à barbe», comme il s'en exhibait dans les foires d'antan.

Paria avant même de devoir faire face au regard d'autrui, celle dont la différence saute aux yeux - et pas seulement parce qu'elle persiste à «transformer ses majuscules en minuscules» - s'exilera au fond des bois, où elle frisera l'animalité.

L'appel de la société, même à son insu, se fera-t-il plus puissant que celui de son refuge sylvestre? Ce récit au style agréable et poétique, qui tient davantage de la nouvelle longue que du roman court, et dont la trame pourrait faussement paraître élémentaire, est serti de nombreuses clés de lecture symboliques, touchant autant la féminité que le vivre-ensemble.

Une plume créative dont l'épanouissement sera à suivre.

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Barbe. Julie Demers. Héliotrope, 138 pages.