Non, ce n'est pas le roman le plus érudit d'Umberto Eco. Mais c'est sans doute l'un de ses plus cruels, éclairants et pertinents.

1992: de grands procès contre la corruption se déroulent en Italie. Deux ans avant l'élection de Berlusconi! À Milan, quelques journalistes sont engagés pour créer Domani, un nouveau quotidien qui marche vraiment - c'est-à-dire qui vend.

On leur demande donc d'écrire des «numéros zéro», des numéros fantômes pour tester les sujets et leur traitement «journalistique». Sauf que tous les sujets possibles, hormis les plus abêtissants, mènent nécessairement à des conflits d'intérêts avec le bailleur de fonds de Domani.

Éthique? Connais pas. Information? Pourquoi faire? La dérive des médias décrite avec un humour dévastateur par Eco évoque tellement de choses qui surviennent aujourd'hui qu'on rit jaune.

Mêlant cette critique corrosive à un complot (compliqué à volonté), l'auteur du Nom de la rose, 83 ans, propose un roman à la fois tonitruant (comme sa couverture) et désenchanté.

Lecture non recommandée aux aspirants journalistes, en raison des risques élevés de désillusion. Ou, au contraire, lecture prescrite pour s'interroger sur le métier et notre ère.

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Numéro zéro, Umberto Eco, Grasset, 224 pages.