Le prolifique Abdellah Taïa propose un roman aux multiples narrations sans finalité autre que son amorce: partir.

Ses protagonistes ne font que s'évader, quitter un Maghreb, une famille, eux-mêmes, pour s'échouer dans ce pays pour mourir qu'est la France.

Au coeur du récit, Zahira, prostituée sur le déclin, hantée par ses souvenirs de jeunesse. Archétype de la courtisane au coeur d'or, elle accueille entre ses jambes les immigrants brisés qui aboutissent à Paris, leur offre un peu de plaisir, un peu de réconfort, souvent en échange de trois fois rien.

Un ami à l'aube de la grande opération, qui se révolte contre son propre sort, se souvient lui aussi de son passé, de ses soeurs qui le transformaient en fille, elles qui ont toutes été mariées ou vendues au loin.

Les mots, impudiques, témoignent sans vulgarité de ce quotidien qui dépérit lentement, au même rythme que les rêves de jadis dont ils ne peuvent s'évader.

Ce livre fait mal, tout en déclenchant un élan de liberté qui s'essouffle à peine, malgré le cul-de-sac que représente cette France qui se voulait salvatrice. Un pays où mourir non pas physiquement, mais d'une façon plus intime, signifie se transformer vers une acceptation de soi, de son immuabilité.

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UN PAYS POUR MOURIR, ABDELLAH TAÏA. SEUIL, 163 PAGES.