Verdâtre. Ce qualificatif, qui peut sembler étrange au premier abord, reflète pourtant assez fidèlement l'atmosphère de Frères et son récit décalé.

Un décor verdâtre ; ponctué de marais, de mers hostiles, de forêts sombres. 

Des personnages verdâtres ; avec ces peuplades d'« enfants-sangsues », d'« enfants-porcs », et ces protagonistes à la chair et l'esprit mutilés, dotés de bras atrophiés et flanqués d'un compagnon de bois démembré. 

Le tout teinté d'un vert d'espoir terni, au fil d'une quête aux accents mythologiques, où deux jeunes frères (le cadet étant né du bras sectionné de l'aîné) se lancent sur les traces de leur « chien de père ».

Un parcours jonché de pièges, de violence et de sacrifices. Dans cette histoire où les repères traditionnels ont été gommés, dépourvue de pays, de noms et d'époque, le lecteur est constamment amené sur la tangente séparant l'humanité de la bestialité. 

Premier roman saisissant, faisant montre d'une belle homogénéité du premier au dernier chapitre, Frères suggère plusieurs niveaux de lecture où chacun ira puiser sa morale. Le côté glauque, qui en forge le caractère, s'avère à double tranchant : certains pourraient être justement rebutés par l'ambiance malsaine. Tant pis pour eux.

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Frères

David Clerson

Héliotrope, 152 pages

*** 1/2