En 2006, le fils de David Grossman a été tué lors d'une mission pour l'armée. Pour traverser ce deuil, l'écrivain israélien a fait la seule chose qu'il pouvait encore faire: prendre la plume pour rédiger ce «récit pour voix», long poème en forme de récit mythologique, procession funèbre des habitants anonymes d'une ville où tous les parents seraient en deuil d'un enfant.

Le récit s'ouvre sur le dialogue, magnifique, entre un homme et une femme. Un couple déchiré par la mort du fils: «Est-ce que je pourrai/De nouveau/Te voir/Comme tu es/Et non comme/Il n'est pas», dit la femme à l'homme qui lui annonce son intention d'aller «là-bas».

Marchant incessamment autour de la ville, l'homme ouvre la route au centaure, à la sage-femme, au vieux professeur de mathématiques, tous reclus dans une solitude douloureuse: «Tout homme est une/Île/Qu'il est impossible/de connaître/de l'intérieur».

Et le chroniqueur de la ville, le journaliste «parasite pisseur d'encre», tente en vain de leur faire raconter leur histoire: de ce qui ne peut être nommé, seule la littérature peut faire entendre la voix.

Ce n'est pas de son fils que Grossman nous parle, c'est d'une douleur universelle, celle du vide que laisse la perte de ceux que l'on aime.

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Tombé hors du temps. David Grossman. Éd. Seuil, 199 pages. Traduit par Emmanuel Moses.