Déstabilisant, troublant, puissant, ce troisième roman d'Ook Chung, né au Japon de parents coréens et arrivé au Québec à l'âge de 2 ans, est unique: il parvient à marier l'âme d'un haïku (poème bref, formel et évocateur) et le souffle d'un cahier littéraire (carnet loquace, autobiographique et détaillé).

Se promenant entre le Japon, la Corée et le Canada, ce roman ne ressemble à rien de ce qui s'écrit au Québec. Et pourtant, il est profondément québécois: par le syndrome constant de l'imposteur et du colonisé, la quête de racines jamais en nombre suffisant, le recours à l'anecdote en lieu et place de l'Histoire avec un grand H, le «pays» toujours ailleurs, l'importance de la parenté, même inconnue ou méconnue.

En mêlant souvenirs de sa mère, mémoires de déracinement, introspection sans nostalgie ni hargne, références littéraires, observations sur l'exil et l'émigration, Chung tisse un texte-courtepointe-hanbok, essentiellement sur le ton narratif, mais parfois intensément poétique, quelquefois quasi gauche (comme si un enfant mettait par écrit tout ce qu'il sait, sans hiérarchisation).

Cette «trilogie» n'est pas d'un auteur québécois de souche: elle est d'un auteur québécois de cime.

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La trilogie coréenne. Ook Chung. Boréal, 448 pages.