Funeste histoire que celle de ce chauffeur croque-mort qui mord et croque désespérément dans la vie - un récit toutefois gorgé d'espérance.

Côtoyant au quotidien cadavres et corbillards, ce blasé des fosses finira par enterrer sa vie de garçon, au détour d'une inhumation où il rencontrera Suzie. À ce nouvel amour, et surtout à ses seins, il vouera un véritable culte. Pourtant, lui qui se pensait si familier avec la Faucheuse, n'aura le choix que de la regarder droit dans les yeux quand elle moissonnera dans son entourage.

Sans fanfreluches ni artifices, dans un style dépouillé mais non sans élégance, Jocelyn Lanouette parvient à faire vibrer quelques-unes de nos cordes sensibles. Et nous épargne la noyade dans un torrent réflexif existentiel, un écueil des plus classiques dans ce registre.

Sans prétendre atteindre la stature d'un Je ne veux pas mourir seul (Gil Courtemanche, Boréal, 2010), Les doigts croisés joue dans cette même cour, armé du même cocktail explosif: amour, mort et maladie.

Il s'en démarque cependant par une oscillation constante entre gravité et dédramatisation, soutenue par maints jeux de mots et autres virevoltes linguistiques.

Simple, beau, et facile à boire, comme on le dirait d'un vin; avec une pointe d'amertume.

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Les doigts croisés. Jocelyn Lanouette. Éditions XYZ. 184 pages.