Contrairement à nombre d'écrivains qui font de leur milieu social ou littéraire le cadre de leur oeuvre, Marie Christine Bernard s'intéresse aux individus en marge de ce que la société valorise (beauté, réussite sociale, argent), ceux à qui l'existence n'a pas donné l'assurance d'avoir le droit d'exister.

Une jeune femme obèse de 27 ans préposée aux soins dans une résidence «miteuse», un jeune homme peintre qui entend des voix, une danseuse toxico, un vieux musicien, un homme de ménage «indien» discret mais observateur... tous ont pour point commun leur invisibilité sociale.

Par fragments narratifs écrits dans une langue familière, le lecteur a accès à leurs pensées, leur regard sur leur vie quotidienne. Ce parti pris réaliste n'épargne rien de la morosité des vies, ni même, lorsque Angélique s'enlise dans une relation malsaine, des détails sordides.

Malheureusement, certaines formulations, bien qu'imputables aux personnages, agacent: la jeune femme «qui a de l'amour en elle», «le merveilleux jeune homme», auxquels s'oppose un personnage de «mauvais homme»...

À glisser sur la pente d'un humanisme mièvre, le roman risque de laisser sur sa faim le lecteur qui s'attendrait à davantage qu'un reportage social romancé.

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Autoportrait au revolver. Marie Christine Bernard. Hurtubise, 221 pages.