S'il y a un pays dans ce vaste monde qui nous occupe l'esprit, c'est bien la Chine. Marché émergent, masse énergivore, monstre à broyer les individus - tout cela et beaucoup plus. Mais très peu d'oeuvres artistiques nous parviennent de ce pays. À part quelques bons films documentaires comme Le dernier train, une production sino-canadienne, les arts chinois nous manquent.

D'où l'intérêt quasiment global pour Les années fastes, le roman de Chan Koonchung. Cet écrivain, né en 1952 à Shanghai, a grandi à Hong Kong et vit aujourd'hui à Pékin. Il connaît bien l'Occident, ayant collaboré avec Greenpeace; il était également collaborateur à un journal britannique. Son livre a attiré des mentions plus que favorables aux États-Unis et en Angleterre. Et quoi de plus naturel que de se tourner vers un roman pour expliquer le phénomène de la Chine actuelle?

Les années fastes met en scène Lao Chen, un écrivain qui enquête sur la société chinoise d'aujourd'hui. Par sa curiosité, il attire toutes sortes de personnes aux idées farfelues. Mais les fous sont-ils si fous que ça? Sur son chemin il croise Fang Caodi, un homme qui est convaincu qu'un mois entier de l'année 2011 a disparu. Disparu où? Fang ne peut le dire. Mais il affirme que ce mois correspond exactement au moment où les économies occidentales ont chuté et où celle de la Chine a pris son essor.

Ensuite, il y a la question du bonheur. Les Chinois sont heureux - trop heureux. Leur bonheur semble artificiel, comme s'ils étaient en train de mimer l'émotion pour plaire à un public. Et le public, bien sûr, c'est leur gouvernement. C'est alors qu'arrive Xiao Xi, mère célibataire, fille d'une dissidente qui tenait un restaurant autrefois le lieu de rencontre des opposants au pouvoir. Xiao Xi a tout d'une paranoïaque: elle change d'adresse électronique quotidiennement, elle sent les yeux et les oreilles du gouvernement qui l'espionnent. Son restaurant n'ouvre que pour refermer quelques jours plus tard. Folie ou saine prudence? Lao Chen, lui-même un étranger - il vient de Taïwan - n'est pas en mesure de le dire.

Trop tard, Lao Chen se rend compte que Xiao Xi est la femme de sa vie. Il entreprend un voyage dans l'arrière-pays chinois pour la trouver tandis qu'elle, guidée par sa peur, tente de s'esquiver. Parmi ses compagnons de voyage, il y a Fang Caodi, toujours à la recherche de son mois perdu.

Le ton des Années fastes vacille entre le documentaire et le pamphlet politique. Le voyage dans l'arrière-pays et le portrait de la société de Pékin nous fascinent, comme si l'auteur ôtait le voile qui recouvre ce pays. Mais l'écrivain a tendance à faire de l'explication, comme un anthropologue qui décrit une société exotique. Ses explications sont toujours à forte saveur politique. Le dernier quart du livre, où les compagnons de Lao Chen kidnappent un cadre du gouvernement et tentent de l'obliger à expliquer le bonheur peu naturel de la société chinoise, a d'ailleurs tout d'un pamphlet politique.

Les années fastes

Chan Koonchung

Traduit par Denis Benejam

Grasset, 415 pages.

*** 1/2