Depuis Ma part d'ombre, on connaissait le squelette dans le placard de James Ellroy, l'un des maîtres du roman noir: sa mère, Jean Hilliker, violée et assassinée alors qu'il avait 10 ans.

Lors d'une querelle, il lui dit qu'il souhaite sa mort, sombre voeu qui sera exaucé et qui ruinera une bonne partie de sa vie. La malédiction, c'est de sa faute, il en est persuadé. Il ne cessera de chercher sa mère dans toutes les femmes, de «Elles» à «Elle».

Voici son livre peut-être le plus personnel, une confession totalement impudique à propos de son «obsession», qu'on pourrait qualifier de titanesque. Il s'y montre tellement pitoyable, et impitoyable envers lui-même, qu'on est consterné devant tant de désespoir et de vulnérabilité.

Son obsession n'a pas de limite, il s'introduit dans les appartements des filles pour scruter leur intimité, c'est un masturbateur compulsif, un voyeur, un masochiste, ses premières relations sont catastrophiques («J'étais l'incarnation d'un appel au secours»), il dérive, sombre dans la drogue, joint les A.A., mais ne perd jamais de vue son objectif: la trouver. Elle. LA femme.

Cela lui prendra du temps avant de prendre conscience: «Espèce de cinglé, tu ne le sais toujours pas: aucune femme ne peut te sauver».

Il finira par rencontrer, très tard, Erika, une rousse qui ressemble beaucoup à Jean Hilliker... Et l'on referme ce livre quelque peu hystérique en ressentant plutôt de la pitié pour cet enfant brisé et génial, dont l'appétit de vivre - puisée à même son obsession - est presque redoutable.

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La malédiction Hilliker. James Ellroy. Rivages, 278 pages