Finaliste au prix Goncourt en 2007 pour Le canapé rouge (Sabine Wespieser), Michèle Lesbre est également publiée au Québec chez Héliotrope. La maison a eu l'excellente idée de devancer la parution de ce très court roman pour qu'elle coïncide ici avec le coeur de l'hiver. Car la neige est partout dans cette novella. Elle enveloppe, assourdit, renvoie à d'autres paysages immenses surgis du passé.

Il a neigé sur Paris le jour où Édith Arnaud prend congé pour aller attendre à la gare un Italien qu'elle croise régulièrement dans un café sans lui parler. C'est le point de départ d'une balade floue et onirique où, comme une somnambule, la narratrice «réinvente sa vie» dans le désordre. La neige la ramène à Ferrare, à un séjour à la ferme, au militantisme des années 60 et à une panne de voiture à la campagne avec Antoine, un amant disparu. Elle retrouve une auberge au parfum d'enfance, de tartines et de confiture servies par une aubergiste qu'elle trouvait courageuse, «enfermée dans sa solitude au coeur d'un paysage que l'hiver rendait désertique». «Je ne veux penser qu'à la neige, à toutes les fois où elle m'a laissé le souvenir d'un moment essentiel. (...) Ne penser qu'à la neige, un éternel éblouissement.» Porté par une écriture fine et délicate, une douceur mélancolique aux échos de films italiens (Antonioni, Pasolini, Bertolucci, Visconti), le récit illumine un décor qu'on oublie parfois d'apprécier, en février, dans nos quelques arpents de neige.

Héliotrope, 91 pages