C'est un monde en voie d'extinction dont Annie Proulx fait le portrait dans ce recueil de nouvelles. Celui de la campagne, - ici le Vermont, où l'auteure de Brokeback Mountain a vécu une partie de sa vie -, des moeurs rudes, d'une vie rustique où le raffinement bourgeois s'immisce peu à peu.

Car c'en est fini de la vie en retrait, dans les forêts de cerfs et de grouses: les gens de la ville retapent les vieilles bicoques pour en faire des résidences secondaires, en quête d'une vie «authentique», regardant les gens du pays comme de possibles professeurs de chasse, pittoresques péquenauds qu'ils méprisent mais dont ils veulent naïvement imiter le mode de vie.

Chez les «locaux», la modernité fait ici ou là son apparition sous la forme d'une machine à laver, d'un congélateur ou de divans aux coussins confortables. Adieu camionnettes rouillés dans les fossés, cours embarrassées d'un fatras de vieilleries, les femmes songent à aménager de jolis jardins proprets.

Annie Proulx se fait tout en finesse le témoin de ces mutations. Dans un style le plus souvent très classique, qui se laisse lire entre les lignes, elle met en scène ceux qui vivent dans cet univers.

Alors que les citadins pensent y devenir meilleurs, la campagne se révèle un monde brutal de désirs mal contenus, de violence, de misère et de médiocrité, où tout ce qui est étranger provoque méfiance et rejet.

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Mélodies du coeur. Annie Proulx. Grasset, 295 pages, 29,95 $.