Figure emblématique malgré lui de la peinture romantique opposée au classicisme de David, Delacroix n'a jamais cessé d'intéresser historiens de l'art et historiens tout court.

Natta appartient aux deux genres et se spécialise dans la période romantique qui couvre en France du moins la première moitié du XIXe siècle. Cette spécialisation apporte beaucoup de richesse à cette biographie fouillée et studieuse.

Le lecteur aura ainsi droit à toutes les thèses sur le véritable paternel du peintre dandy. Était-ce vraiment l'époux de sa mère ou l'inénarrable Talleyrand qui la courtisait? Natta suit son sujet depuis le berceau jusqu'au tombeau, nous explique la genèse de ses tableaux les plus célèbres comme La mort de Sardanapale ou La liberté guidant le peuple, scène époustouflante des barricades de 1830.

L'historienne montre que Delacroix, à la différence d'Alexandre Dumas qu'elle cite souvent, n'était pas du tout acteur de ce soulèvement populaire qui le terrifiait. Elle fait aussi ressortir le côté misogyne, bien de son temps, du peintre qui a tenu un journal détaillé de sa vie professionnelle et affectueuse et une correspondance soutenue dans lesquels elle puise presque à outrance.

Pour le lecteur intéressé par le romantisme, cette biographie se révèle une belle porte d'entrée. Pour les amateurs de la peinture de Delacroix, de ses scènes guerrières et orientales, de ses chevaux cabrés et de ses femmes très charnelles, quelques pages de ce pavé pourront être sautées sans qu'on perde le fil.

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Eugène Delacroix. Marie-Christine Natta. Tallandier, 2010, 576 pages.