Lucie vit une relation malsaine avec un érotomane narcissique. Le jour de ses 24 ans, «écoeurée de la rue Bourbonnière, de Geoffroy et de la barbarie», elle vide son appartement, saute dans sa voiture et fuit vers le nord. Direction: le plus loin possible.

Quand sa voiture tombe en panne, près d'un petit village des Laurentides, elle est bien obligée de s'arrêter. Et, tant qu'à y être, de se refaire un semblant de nid, de santé mentale et de confiance en l'humanité.

Noyé dans le déluge de la rentrée d'automne, ce premier roman d'une blogueuse affranchie a bien failli passer inaperçu. Il suffit pourtant d'en lire les premières lignes pour se convaincre d'être en présence d'un vrai talent.

L'histoire, qui fait se croiser les trajectoires de son héroïne et celles d'un écrivain alcoolique et suicidaire, d'une serveuse au grand coeur et de quelques survenants tragicomiques, rappelle parfois le Ducharme des Bons débarras, version hardcore.

Si l'on peut regretter son dénouement, légèrement surfabriqué, on n'est pas près d'oublier cette voix brisée mais puissante, cette intelligence incisive, cette force autodestructrice. Et l'on restera marqué par ces personnages magnifiquement campés, plus vrais que vrais, et des dialogues d'une rare justesse. Sandra Gordon serait musicienne, on dirait qu'elle a l'oreille absolue.

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Les corpuscules de Krause. Sandra Gordon. Leméac, 237 pages.