Dans un roman policier historique, l'écrivain doit trouver un équilibre subtil entre les données factuelles et les péripéties de l'enquête afin de ne pas nuire au suspense. Jean Louis Fleury et Jacques Côté ont relevé le défi avec brio.

Après Bois de justice (mai 2010), Le syndrome de Richelieu est le deuxième volet des Marionnettistes, une série de polars de Jean Louis Fleury, mettant en vedette Aglaé Boisjoli, de la Sûreté du Québec. Promue sergent et nouvellement installée sur la Côte-Nord, elle est plongée dans une nouvelle affaire d'une rare complexité. Une confrérie mystérieuse qui se fait appeler Les Chevaliers de l'Ordre de la Naine noire s'est donné comme mission de réhabiliter les personnages injustement oubliés ou bafoués de l'Histoire.

Pour ce faire, ces prétendus justiciers ont envoyé une série des lettres inquiétantes qui font planer des menaces de mort sur les insulaires d'Anticosti. Plaisanterie de mauvais goût? Jeu macabre d'une bande d'illuminés? Après analyse des lettres, on envoie Aglaé sur place, avec quelques collègues, mais ils ne pourront empêcher les assassins de l'ombre de passer à l'action et très vite, les cadavres vont s'accumuler.

Pour résoudre cette énigme meurtrière, la sergent Boisjoli devra déjouer une machination qui remonte à l'époque de la colonisation d'Anticosti par Henri Menier et Georges Martin-Zédé, à la fin du XIXe siècle. Le syndrome de Richelieu est un polar historique tout à fait passionnant qui a le double mérite d'être à la fois instructif et distrayant. Érudition et suspense y font bon ménage, avec un personnage central fort sympathique qui est aussi un limier hors pair. Précision importante: il n'est pas nécessaire d'avoir lu Bois de justice pour apprécier ce deuxième opus. Quoique liées par la chronologie, ce sont deux histoires indépendantes.

Changement de décor et d'époque, avec Jacques Côté, qui délaisse sa première série policière pour se lancer dans un nouveau projet ambitieux intitulé Les carnets noirs de l'aliéniste, six polars historiques mettant en vedette Georges Villeneuve, premier surintendant de l'asile Saint-Jean-de-Dieu et médecin expert à la morgue de Montréal. Pour ce premier tome, Dans le quartier des agités, Villeneuve est à Paris, alors que l'Exposition universelle bat son plein en cet été de 1889.

Désireux de suivre les cours de Valentin Magnan et Jean-Martin Charcot, deux sommités médicales, il est mêlé, à son corps défendant à une affaire criminelle dont il devient le principal enquêteur. Pour protéger un patient de Magnan, soupçonné par la police d'être le «coupeur de nattes» qui sévit dans la capitale, Villeneuve cherche à démasquer le vrai coupable. Dans ce polar aux accents gothiques (descriptions naturalistes de morgues et d'hôpitaux, scènes de dissection, visites d'asiles d'aliénés et de bordels peu ragoûtants) l'auteur reconstitue soigneusement l'ambiance fébrile du Paris de cette époque avec un souci maniaque du détail vrai et de l'authenticité .

Une belle réussite qui augure bien pour l'ensemble de cette série. Tout comme Jean Louis Fleury, à travers des fictions bien documentées, Jacques Côté tente de réhabiliter des personnages oubliés de l'histoire du Québec. Des auteurs à suivre...

En bref, sur la scène du polar québécois... Le Poulpe revient au Québec dans Maria Chape de Haine (Baleine), sous la plume de Luc Baranger, pour y découvrir les relations incestueuses entre l'industrie du bâtiment et la mafia de Montréal. Un visionnaire, ce Baranger!

L'éditeur Marcel Broquet se lance dans le polar avec la collection «Coulée noire» où il vient de publier Jazz cool et morts subites, de Michael Draper, Le coût de la beauté, d'Andrée Dahan et La danse des évêques, d'André K. Baby. André Marois publie une novella noire 9 ans, pas peur, à la Courte Échelle, et Patrice Robitaille signe L'homme qui mangeait des livres, à l'Interligne.

Enfin, l'excellent Il ne faut pas parler dans l'ascenseur (Martin Michaud, Goélette) sera réédité par l'éditeur parisien First, avec un nouveau titre qu'on espère plus polardeusement sexy cette fois!

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Le syndrome de Richelieu. Jean Louis Fleury. Guy Saint-Jean, 480 pages, 29,95 $.

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Dans le quartier des agités. Jacques Côté. Alire, 442 pages, 27,95 $.