La fiction rejoint parfois la réalité par des chemins étonnants. Il y a quelques semaines, on aurait abordé le dernier opus de Martin Suter sous l'angle culinaire, un thème de plus en plus prisé des romanciers. Mais ces jours-ci, c'est davantage l'origine de son héros, réfugié du nord du Sri Lanka, et ses liens forcés avec les Tigres de libération de l'Eelam tamoul qui retiennent l'attention.

Maravan n'est pas arrivé en Suisse par bateau, mais son statut n'est guère plus enviable. Modeste aide de cuisine dans un grand restaurant aux aspirations moléculaires, il fait en réalité des tâches beaucoup plus complexes, sans en recevoir le crédit. Les cuisiniers qu'il sert sont trop bornés pour deviner le chef qu'il a été. Ils seraient encore plus surpris de voir ce qu'il devient après son renvoi! Maravan lance un service de traiteur clandestin. Un succès... foudroyant. Ses mets, inspirés de la branche aphrodisiaque de la médecine ayurvédique, sont d'une redoutable efficacité. (Les recettes sont fournies en annexe.)

La légèreté sera toutefois de courte durée. Les nouvelles de la famille restée au Sri Lanka sont inquiétantes et les Tigres suisses réclament leur part des profits. Un client impliqué dans un trafic de blindés fournira à Maravan l'occasion de démontrer que la vengeance est un plat qui se mange à toutes les sauces. Le roman n'est pas pour moi un lieu d'expérience langagière, confiait l'auteur en entrevue il y a 10 ans. Son goût pour l'écriture dépouillée n'a visiblement pas faibli. On aimerait cependant qu'il mette un peu plus de chair autour de ses personnages secondaires.

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Le Cuisinier. Martin Suter. Christian Bourgois Éditeur, 337 pages, 34,95 $.