Considéré comme le plus grand poète portugais de tous les temps, Fernando Pessoa n'a pourtant publié de son vivant qu'un petit livre et des articles dans des revues obscures. À sa mort, en 1935, il a laissé dans une grande malle pas moins de 27 543 documents, attribués par Pessoa lui-même à des dizaines d'hétéronymes, auxquels les chercheurs n'ont eu accès qu'en 1968.

S'il a fallu attendre 20 autres années pour découvrir en français le sublime Livre de l'intranquillité, considéré comme le chef-d'oeuvre de l'écrivain, les spécialistes ont aussi assemblé une série «d'oeuvres complètes», pour chacun des principaux hétéronymes, et ils n'ont pas fini de trouver des trésors au fond de la fameuse malle.

On vient justement de publier chez Christian Bourgois un étonnant recueil, Quaresma déchiffreur, collection d'essais policiers d'une incroyable virtuosité. Pessoa y avait mis en scène un autre de ses doubles, le docteur Quaresma, médecin alcoolique et sans patient, qui résout des enquêtes policières par la seule force de son raisonnement.

La responsable de l'édition portugaise, Ana Maria Freitas, explique dans la préface qu'il a fallu des années de recherches pour mettre bout à bout les pages non numérotées de ces essais, une tâche d'autant plus complexe que Pessoa avait prévu de multiples versions de chacune des enquêtes.

Imparfait, comme toutes les éditions des oeuvres de Pessoa, ce Quaresma déchiffreur n'en révèle pas moins avec un rare bonheur une autre facette de l'oeuvre inépuisable du grand poète.

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Quaresma déchiffreur, Fernando Pessoa, Éditions Christian Bourgois, 544 pages, 39,95 $.