«Je suis obsédée par les répétitions qui ne sont pas assez nombreuses ou sérieuses à mon goût. La musique prend beaucoup de place et les sketches sont mauvais... tellement mauvais que, lorsque Paul Buissonneau, avec qui on cosigne la mise en scène, passe au théâtre pour voir ce qui se passe, il en ressort en hurlant:

- Votre hostie de show, vous pouvez vous le mettre où je pense.

Silence.

- L'Osstidcho! C'est ça le titre! dit Robert. On est tous d'accord, le show n'existe pas encore, mais le titre est fort.

Les paroles de Paul Buissonneau nous ont fouettés, en tout cas, moi, elles m'ont fouettée. Il m'a fait très peur. Je suis persuadée que le bide sera total. Le 28 mai 1968, c'est le grand soir et je suis très stressée, comme toute l'équipe d'ailleurs. Stress extrême. Je ne peux pas deviner que l'adrénaline aura un tel effet sur ma performance. Nous voilà donc, tantôt seuls, tantôt deux et tantôt six à la fois sur scène à vérifier la hauteur des micros, la balance de son, les accessoires, on s'interpelle des coulisses à la scène:

«Louise, téléphone, c'est ton chum.» Peu à peu, les gens entrent dans la salle, pensant interrompre une répétition, ils ressortent et reviennent. Nous les ignorons. J'adore ce quiproquo, je goûte ce moment bon comme un péché assumé dans sa délinquance, à un tel point que je crains le vrai début du show. Yvon les interpelle. Quelques-uns dans la salle se laissent aller au jeu. Soudain, la scène se vide.

Il fallait bien que ça commence! Yvon fait les cent pas dans les coulisses qui font six pieds carrés, Robert désorganise son afro, je réchauffe ma voix et Mouffe nous lance des vacheries pour ne pas qu'on se sauve chez nous. OK, on revient tous sur scène pour la vraie affaire. La quoi? La séance, le flop, le talk of the town du lendemain ou le bide... »