Le livre s'appelle Rock'n'Romance. Un titre bien matante, digne d'un mauvais film à l'eau de rose. Mais l'histoire, elle, n'a rien d'une bluette sentimentale.

Violée à 19 ans, Nanette Workman a consommé les hommes comme elle a consommé de la dope. Avec excès. Son besoin de séduire - et de conquérir - était sans fond. Après usage, elle jetait. Sa plus grosse peine d'amour en fut une gigantesque: il s'appelait Johnny Hallyday. Il lui avait promis monts et merveilles, tant au plan personnel que professionnel. Ça s'est fini aux urgences, avec une overdose de barbituriques.

 

On peut reprocher ce qu'on voudra à Nanette, mais pas de manquer de transparence. D'ailleurs, quel intérêt aurait eu cette biographie, si elle était restée en surface? «On raconte une histoire ou on ne la raconte pas pantoute. It's all or nothing», nous a lancé la chanteuse, attrapée au vol, jeudi, quelques heures avant le lancement officiel de Rock'n'Romance.

Pour Mario Bolduc, auteur de cette biographie autorisée, la collaboration n'aurait pas pu être plus ouverte. Nanette lui a non seulement tout raconté, mais elle lui a donné accès total à ses archives personnelles, incluant toutes les lettres écrites à sa mère des années 60 aux années 80. Des lettres où elle se livrait candidement, parfois à chaud, sur son état du moment. «En général, quand on se dévoile, on essaie de se donner le beau rôle, explique Mario Bolduc. Mais Nanette a tout mis sur la table, incluant le domaine du privé.»

Évidemment, la mémoire est une faculté qui oublie. Certains tiroirs sont sans doute restés fermés. Mais la chanteuse en dit assez pour que ce soit croustillant. Et surtout, assez pour que l'on prenne la pleine mesure de ce parcours hors normes, où se sont côtoyés l'amour et le glamour, le rock et la dope, le Québec et le monde, le succès et l'échec.

Stone et Stones

Surtout connu pour ses romans policiers (Tsiganes, Cachemire), Mario Bolduc résume cette trajectoire contrastée de façon simple, honnête et effacée.

De Jackson, Mississippi, à Ormstown, Québec, où elle vit aujourd'hui, Nanette Workman, fille de famille juive, connaîtra une étrange courbe de vie. Partie «réussir» à New York, elle se retrouve au Québec à l'invitation de Tony Roman, son premier amoureux sérieux. L'un des seuls, incidemment, avec qui elle ne couchera pas!

Puis c'est l'Angleterre, où elle fréquente les Stones (Honky Tonk Women), Lennon, Harrison, Ringo Starr et les gars de Pink Floyd. Malgré un album (excellent) pour EMI et des contrats de mannequin, la carrière british ne décolle pas. Mais Nanette oui: début 1970, la chanteuse s'envole pour Paris, recrutée comme choriste par Johnny Hallyday. C'est le début d'une passion qui finira par un gros mal de bloc.

Revenue au Québec, elle poursuit sa carrière au gré du vent et des propositions. Entre deux joints de hasch, elle collectionne les partenaires: Peter Frampton, Pagliaro, Richard Tate, Angelo Finaldi, Jimmy Ayoub, Serge Fiori. Les drogues dures s'en mêlent et malgré un retour au sommet des palmarès (Starmania en 1979, Call Girl en 1982), elle finit par tomber bas. Il lui faudra un enfant, à plus de 40 ans, pour se recentrer.

Nanette Workman méritait-elle mieux? Aurait-elle pu devenir une vedette internationale? A-t-elle fait les bons choix? A-t-elle joué de malchance? Ces questions ont souvent fait surface. Nanette elle-même les évoque, dans l'épilogue de Rock'n'Romance. On ne le saura jamais... Mais une chose est sûre: son destin ne fut pas banal.

Il méritait d'être raconté.