Bruno Mesrine, fils de vilain, revient au Québec là où son papa a commis quelques-uns de ses plus célèbres mauvais coups à l'occasion de la réédition de l'autobiographie du légendaire criminel. Récit d'une enfance marquée par le secret et la fascination.

Il y a 29 ans, presque jour pour jour, le gangster Jacques Mesrine était tué par la police, à Paris. C'était le 2 novembre 1979.

 

Bruno Mesrine, 15 ans à l'époque, a pratiquement appris la mort de son père à la télé. Il a vu les images troublantes de son corps criblé de balles. Violence inouïe. Il ne s'en est jamais vraiment remis. «Mon anniversaire était trois semaines plus tard. Depuis ce jour, je ne le fête plus. C'est associé à une grande tristesse», raconte-t-il.

Bruno Mesrine a aujourd'hui 44 ans. Il est magicien professionnel. «Le meilleur de France», dit-il sans une once d'arrogance. Plutôt grand, pas l'air trop «toffe», le fils du légendaire criminel est de passage au Québec pour promouvoir la réédition de L'instinct de mort, l'autobiographie de son père, publiée pour la première fois en 1977, quelques mois avant son ultime évasion.

Le livre s'était bien vendu à l'époque, en France comme au Québec - où, comme chacun sait, Mesrine mena une belle «carrière» (meurtres, vols de banques, évasion, attaque de prison). Épuisé depuis plusieurs années, il était devenu introuvable, les rares exemplaires en circulation se détaillant à prix fort (jusqu'à 1500 euros) sur l'internet.

«Avec la sortie du film, on s'est dit que c'était une bonne occasion de ressortir le livre, explique Bruno Mesrine. D'abord pour faire contrecoup au cinéma, mais aussi pour qu'il retrouve un prix normal.»

On ne vous sortira pas le cliché du livre coup-de-poing. Ou de l'histoire «qui fesse». Mais il est vrai que L'instinct de mort est d'une redoutable efficacité. Plusieurs ont cru, pour cette raison, que Jacques Mesrine n'en était pas le véritable auteur. Mais son fils tient à rectifier le tir.

«C'est lui sans aucun doute. J'ai le manuscrit écrit de sa main. Il y a peu de ratures. Même les lettres qu'il nous envoyait étaient bien écrites...»

Ces lettres, Bruno Mesrine ne les recevra qu'à partir de l'âge de 8 ans. Ses grands-parents paternels, qui le gardaient depuis l'âge de 3 ans, lui avaient jusque-là caché l'existence de ce père criminel.

«J'ai grandi en croyant que j'étais orphelin, raconte-t-il, Mais je savais bien qu'il y avait quelque chose de bizarre. L'ambiance familiale n'était pas claire.»

C'est en ouvrant une lettre destinée à sa soeur aînée que Bruno apprend la vérité. Non seulement il a un papa, mais celui-ci est en prison pour hold-up. Neuf mois s'écouleront avant qu'il ne rencontre enfin ce gangster pas comme les autres.

«Le contact n'a pas été si difficile, se souvient-il. On avait commencé par s'écrire. Deux ou trois lettres par semaine. Quand je l'ai vu au parloir, il a su trouver les mots qu'il fallait pour une circonstance aussi bizarre. Il savait mettre à l'aise.»

Bruno Mesrine avoue que son enfance ne fut pas banale. Il a changé d'école une quinzaine de fois. En classe, il portait un faux nom. Pour lui éviter d'attirer l'attention, on l'habillait de façon ultra-classique. Il n'avait pas de cartable, mais une mallette. «Les gens disaient que j'avais un côté fils à papa, lance-t-il, sourire en coin. S'ils avaient su...»

C'était un gros secret. Mais il en était fier, dit-il. Fier d'être dans le coup. Et fier de ce papa flamboyant, qui faisait rimer panache et criminalité. «En France, il a toujours eu une cote énorme. Pourquoi n'aurais-je pas eu la même admiration pour ce bonhomme hors normes?» explique-t-il

Plus qu'un bandit

Devenu adulte, Bruno Mesrine n'a pas changé d'avis. Dans son souvenir (idéalisé?), Jacques Mesrine était aussi un type «drôle» et «gentil», loin de la brute incarnée par Vincent Cassel dans le film tiré du livre. «Ils en ont mis un peu trop. C'est du cinéma à l'américaine», dit-il, peu surpris que le film soit déjà vendu dans 44 pays.

N'en reste pas moins que l'homme était un tueur. Sa palpitante autobiographie n'est qu'une succession d'actes violents, de vols et de meurtres commis de sang-froid.

Mais pour Bruno Mesrine, L'instinct de mort ne révèle qu'une facette de sa personnalité.

«C'était son pire réquisitoire. Il ne montre que le plus dur de lui-même». L'an prochain, le fils lancera à son tour un bouquin sur le criminel. Cette «encyclopédie Mesrine», comme il le décrit lui-même, lui permettra sans doute de remettre les pendules à l'heure et de régler ses propres comptes avec le passé. Un passé marqué par le secret, le mensonge et la mémoire d'un père qu'il n'aura connu que derrière les barreaux.

«Au fond, je n'ai jamais été gamin, raconte-t-il. C'est peut-être pour ça que je suis devenu magicien.»

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Jacques Mesrine. L'instinct de mort. Flammarion Québec. 390 pages. Le film Mesrine, L'instinct de mort, prendra l'affiche au Québec au mois janvier. Site web de Bruno Mesrine: www.brunomesrine.com