Après les samouraïs et les Vikings, Paul Ohl s'attaque à son premier sujet romanesque québécois: Jos. Montferrand.

Les épaules larges de même, pas long de cou, battoirs à l'avenant: on imagine facilement qu'il pourrait encore se tailler un chemin dans la ruelle sombre, même à 68 ans.

 

Âge respectable que Paul Ohl atteindra mardi, le 1er octobre, jour de la sortie de Montferrand - Le prix de l'honneur. Son premier roman portant sur un sujet québécois arrive 33 ans après son premier livre - Les arts martiaux - L'héritage des samouraïs (1975) - et 50 ans après que Gilles Vigneault eut fait scandale avec un vilain mot: Le cul su'l'bord du Cap Diamant/Les pieds dans l'eau du Saint-Laurent/J'ai jasé un p'tit bout de temps avec le grand Jos. Montferrand.

À ces bornes historiques connues, vérifiables, s'ajoutent celles de la naissance et de la mort de Joseph Montferrand, Montréal 1802-1864. Entre ces deux dates, nous explique l'ancien para-commando du Royal 22e Régiment, se trouve «un vide qui permet tout le travail de création».

En remplissant ce vide, Paul Ohl a d'abord voulu, dans ce premier tome, «donner une jeunesse à Jos. Montferrand», héros légendaire du petit peuple canadien-français du début du XIXe siècle, une époque où, au chantier ou à la taverne du quartier, tout se réglait au bout du poing. Au-delà des exploits de son héros, Ohl a voulu peindre la société canadienne-française de l'époque, une entreprise qui pourrait lui attirer les foudres de bien des «gérants d'estrade».

Combler ce vide représente aussi pour Paul Ohl le franchissement d'une étape importante de sa vie de littérateur: «Mon ami Hubert Aquin me disait toujours que je cesserais d'être un auteur pour devenir écrivain lorsque je prendrais le risque de l'imaginaire.» Des samouraïs japonais (Katana) aux Vikings (Drakka) en passant par l'empire inca (Soleil noir), Paul Ohl a souvent pris le «risque» du roman historique mais jamais avec un sujet québécois. Pourquoi avoir attendu si longtemps? «Je suis Alsacien d'origine; je suis arrivé ici quand j'avais 10 ans et, même après m'être consacré à l'écriture, j'ai toujours gardé cette petite gêne... Là, j'ai décidé qu'il était temps de m'en départir.»

Après Louis Cyr

Jos. Montferrand n'est pas le premier sujet québécois de Paul Ohl, qui a publié en 2005 un ouvrage impressionnant sur Louis Cyr, la première star internationale du Canada français. «Les deux sujets n'ont rien à voir l'un avec l'autre... J'ai écrit une biographie classique de Louis Cyr, qui s'était fait connaître par ses exploits, tous documentés, d'homme fort. Montferrand, lui, est un personnage de légende, un coeur noble, comme Lancelot du Lac, qui relevait des défis impossibles pour défendre les petites gens.»

Tout le temps contre des Anglais ou leurs apparentés, comme ces 150 «shiners» (chaîneurs) irlandais que Montferrand a plantés, seul, un jour de 1829 sur le pont Union entre Hull et Ottawa que les boulés, probablement «chauds», voulaient interdire aux bûcherons canadiens-français. «En laissant libre cours aux errances du récit folklorique», Paul Ohl promet de tirer, dans le deuxième tome, une «pièce d'anthologie» de ce joyau de la tradition populaire. Et il y a la bataille de Québec, et l'échauffourée historique du Champ-de-Mars, où les autres en ont encore pris plein la gueule...

Paul Ohl a lu et relu les écrits de Benjamin Sulte (L'histoire de Jos. Montferrand, l'athlète canadien) mais avoue tirer orgueil du fait qu'il «complète» la recherche qu'avait entreprise Wilfrid Laurier (1841-1919) pour une série dont on ne lira que deux épisodes avant que ne ferme le journal l'Indépendance canadienne en 1868: «Aucun nom, écrivait alors le futur premier ministre du Canada, après celui du grand Papineau, n'a été plus popularisé partout où, sur la terre d'Amérique, se parle la langue de France.»

Beau sujet - beau test aussi - pour ce que Paul Ohl appelle sa «rentrée québécoise».

Montferrand- Le prix de l'honneur

Paul Ohl Libre Expression, 370 pages, 29,95$