Une biographie consacrée au cinéaste Roman Polanski jette une nouvelle lumière sur les circonstances ayant présidé à sa fuite des États-Unis en 1978, alors qu'il risquait la prison pour avoir eu des relations sexuelles avec une mineure de 13 ans.

Si la réalité du crime du réalisateur français d'origine polonaise ne fait pas de doute - il a plaidé coupable de «relations sexuelles illégales» -, les conditions dans lesquelles la procédure judiciaire s'est déroulée n'ont pas joué en sa faveur, explique Christopher Sandford, auteur de Polanski, sorti ce mois-ci en anglais.

Les faits datent du 10 mars 1977. À l'issue d'une séance de photos qu'il réalisait pour un magazine dans la demeure de Jack Nicholson à Hollywood, Polanski avait eu des relations sexuelles avec son modèle, une adolescente de 13 ans, à qui il avait fait consommer de l'alcool et un psychotrope.

Interpellé le lendemain par la police, le réalisateur alors âgé de 43 ans avait exprimé sa stupeur. À un policier qui lui demandait s'il savait pourquoi il était arrêté, Polanski avait répondu: «Honnêtement, je ne sais pas», selon le récit de M. Sandford.

«Son excuse qu'elle (la victime) avait 13 ans mais était sur le point d'en avoir 14 n'était pas très habile», commente l'écrivain, déjà auteur de nombreuses biographies de célébrités, et qui s'est dit attiré par Polanski en raison de sa «complexité».

Risquant en théorie 50 ans de prison, le metteur en scène de Chinatown avait scellé un marché avec le parquet et plaidé coupable d'un seul de six chefs d'inculpation, procédure courante aux États-Unis qui évite un procès et ouvre la voie à une condamnation directe.

M. Sandford affirme avoir eu accès pour la première fois aux «lettres du juge et mémorandums, qui donnent une image beaucoup plus complète» de l'affaire que les pièces du dossier dans le domaine public.

Contrairement à ce qu'a affirmé Polanski par la suite, «je ne crois pas à la théorie qui voudrait que le juge ait été orienté contre lui», affirme M. Sandford. «Mais je pense que le juge aimait prendre la pose, était narcissique et appréciait d'être le centre de l'attention».

L'affaire avait provoqué un déchaînement médiatique contre le cinéaste, devenu «prédateur» huit ans après avoir été victime d'un crime, le meurtre barbare de son épouse enceinte Sharon Tate par les adeptes de Charles Manson.

«C'est devenu un carnaval, le pauvre Roman était presque comme un ours en cage que l'on montrait. Je ressens de l'empathie envers lui, dans le sens où la procédure s'est déroulée dans un climat qui n'était pas serein», soutient le biographe, même s'il reconnaît que «des gens ont purgé de longues peines de prison pour moins que ce qu'il a fait».

Des documents qu'il a examinés ressort que le juge n'a jamais accepté, ni par oral ni par écrit, le principe d'une peine légère contre Polanski, contrairement aux affirmations de ce dernier par la suite.

«Il se peut que le juge ait donné l'impression aux avocats qu'il pourrait être clément (...) mais à aucun moment il n'y a eu d'engagement formel de condamner Polanski à une mise à l'épreuve où de le laisser libre», insiste M. Sandford.

Condamné à une «évaluation» de trois mois dans une prison californienne, Polanski y avait passé 47 jours. Le 31 janvier 1978, au lendemain d'une réunion entre ses avocats et le magistrat lors de laquelle ce dernier avait laissé entendre qu'il allait le renvoyer sous les verrous, Roman Polanski avait pris un avion pour Londres, puis la France.

Trente ans plus tard, il est toujours considéré comme un «criminel en fuite» par la justice californienne et n'est jamais retourné aux Etats-Unis, ce qui l'a empêché de recevoir en personne son Oscar du meilleur réalisateur pour Le pianiste en 2003.