Le Québec, village d'irréductibles Gaulois qui résistent encore et toujours à l'envahisseur anglo-saxon...

La formule a été utilisée à satiété par des générations de politiciens, souverainistes souvent, mais pas seulement. Mais, quels liens unissent réellement le Québec et la Gaule telle que l'ont imaginée Goscinny et Uderzo? L'auteur et bédéiste Tristan Demers se penche sur la question dans un livre documentaire abondamment illustré, Astérix chez les Québécois.

Huit ans après la publication d'un ouvrage qui dressait des parallèles entre les aventures de Tintin et la Révolution tranquille au Québec, Tristan Demers récidive. Cette fois, ses recherches l'ont mené en territoire gaulois, dans l'univers d'Astérix. «Tintin est arrivé au Québec avant Astérix, mais on ne s'y est jamais autant identifié, lance Tristan Demers. Il y a quatre ans, lors des élections provinciales, j'ai réalisé que plusieurs candidats utilisaient la formule voulant que le Québec soit un village gaulois dont la potion magique serait la langue française.» Il a donc voulu creuser cette analogie.

Des surprises

Pendant deux ans et demi, l'auteur a fouillé dans les archives, notamment celles des ayants droit d'Astérix; il a rencontré sociologues, spécialiste de la question autochtone ou politiciens (dont Pauline Marois) pour brosser un tableau complet de l'influence du petit Gaulois chez nous. Et ce qu'il a trouvé l'a étonné.

Il a notamment découvert que lors de son premier discours à l'Élysée comme premier ministre du Québec, René Lévesque avait lui-même évoqué Astérix. «De tout temps, Astérix et Obélix ont été associés aux idées de souveraineté nationale et d'autonomie. Aujourd'hui, le modèle politique change, on est moins dans une dynamique fédéraliste-souverainiste, mais l'image de David contre Goliath associée aux Gaulois demeure.» François Legault a d'ailleurs repris l'analogie du village gaulois lors des dernières élections au Québec...

Autre surprise: les nombreuses publicités d'ici ayant mis en scène les personnages de Goscinny et d'Uderzo. Les whippets de la biscuiterie Viau, le Coke diète d'Obélix (qui partageait alors l'écran avec Céline Dion), l'aluminerie Alcan, le lait... Tristan Demers a aussi sorti de l'oubli un documentaire du cinéaste Arthur Lamothe commandé par le ministère de l'Éducation en 1973: Ti-Louis mijote un plan..., dans lequel des préadolescents offraient par écrit quelques suggestions aux créateurs d'Astérix.

Son livre documentaire est émaillé de nombreuses illustrations, photos d'archives et caricatures. Qui ne se souvient pas des nombreuses interprétations de Jacques Parizeau en Obélix moustachu?

«J'ai même trouvé des diapositives d'un défilé de Noël à Québec, avec des chars allégoriques qui arboraient des gros Astérix et Obélix en papier mâché!» 

Les années passent, mais la popularité d'Astérix et de ses comparses ne diminue pas au Québec: il suffit, dit Tristan Demers, de regarder les cotes d'écoute de Ciné-Cadeau, à Télé-Québec, pour le film Les 12 travaux d'Astérix.

«Je n'ai pas la prétention d'être un historien, mais ce livre nous rappelle le chemin qu'on a parcouru collectivement. Par contre, c'est fait avec légèreté puisque ça passe par le monde d'Astérix», lance l'auteur qui, à 15 ans, rencontrait Uderzo à Paris, dans les studios Albert-René. «Ce n'est pas un essai universitaire pointu, mais un livre grand public - comme Astérix! - dans lequel on peut butiner d'un chapitre à l'autre.»

Gargouille renaît

Parallèlement à la sortie du livre documentaire, Tristan Demers a renoué avec son personnage fétiche, Gargouille, qu'il a mis au monde alors qu'il n'était âgé que de 10 ans, il y a 35 ans déjà. Deux nouveaux albums viennent tout juste de paraître: S.O.S. autruches et Panique à bâbord. «On repart à zéro avec un nouvel éditeur, Michel Quintin, et un nouveau graphisme. Je me permets désormais de faire sortir les dessins des cases!»

«J'ai passé cinq ans sans faire de Gargouille; j'avais l'impression d'avoir fait le tour. Mais je suis retombé en amour avec mon personnage. C'est comme retrouver un vieux coloc. On s'est choisis de nouveau, mais dans une nouvelle formule.»

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Astérix chez les Québécois. Tristan Demers. Éditions Hurtubise. 176 pages.

Image fournie par Michel Quintin

Panique à bâbord

Image fournie par les Éditions Hurtubise

Astérix chez les Québécois, de Tristan Demers