Crise des migrants, terrorisme, intégrisme, théorie du complot... derrière sa couverture rose fluo, le dernier album de Titeuf, le garnement le plus attachant de la BD, aborde de front la noirceur du monde sans jamais cesser de nous faire rire.

«On a besoin de rire des sujets terribles pour les rendre accessibles, acceptables», affirme le Genevois Zep, créateur, il y a 25 ans, du personnage de Titeuf, éternel gamin d'une dizaine d'années, à la fois naïf et curieux, intéressé par la marche du monde et... le mystère de la reproduction sexuée.

En librairie en France à partir de jeudi (huit jours après sa sortie en Suisse), À fond le slip, 15e album de la série, constitue (en attendant la publication d'Astérix en octobre) le premier gros choc éditorial de la rentrée. Son éditeur Glénat a prévu un tirage exceptionnel de 550 000 exemplaires de cet album.

Titeuf est une série phare de la BD francophone. Depuis sa création en 1992, plus de 21 millions d'albums se sont vendus selon son éditeur. Il est traduit dans 25 pays dont la Chine.

Aux côtés de Manu (le meilleur pote de Titeuf), Ramatou (qui lui fait chavirer le coeur), Thérèse, la fille pas futée aux cheveux mauves qui occupe une place grandissante d'album en album, la maîtresse et les parents, ce nouvel opus est l'occasion de découvrir une galerie de nouveaux personnages.

Titeuf a dans sa classe, «Loïc l'illuminé», un enfant qui passe son temps à regarder des vidéos complotistes, Momo, un intégriste musulman («Salamiste», dit Titeuf), qui ne veut ni parler à la maîtresse ou se trouver à côté d'une fille, des réfugiés... «Tout cela cohabite très bien. C'est même assez rigolo», résumait Zep lors d'une récente conférence de presse à Paris.

«Pas de limites»

Après le choix du format long adopté dans l'album précédent, Zep a choisi de «revenir aux fondamentaux» avec des histoires d'une planche ou deux maximum. Cela donne à l'album un rythme endiablé. On passe du grave au comique en un clin d'oeil.

«Je n'ai jamais mis de limite aux sujets à aborder avec Titeuf. Les enfants ne s'interdisent pas un sujet parce qu'il est tabou. Le tabou, c'est l'invention des adultes qui ont peur de l'intelligence des enfants», dit-il.

La planche intitulée «Chacun son tour» résume assez bien cette philosophie. On voit les parents de Titeuf mentir à leur fils (afin de le protéger pensent-ils). Ainsi, passant devant le corps recouvert d'un linceul d'un cycliste mortellement blessé dans un accident, la mère de Titeuf lui explique: «le monsieur dort dans la rue. Comme il avait froid, on lui a mis une couverture».

«Les parents, ils inventent tout le temps des trucs», dit Titeuf pas dupe. «Alors ils pourraient aussi faire un effort», ajoute le jeune garçon quand son père, excédé, lui dit: «Tu n'as pas répondu aux questions parce que tu n'avais pas de crayon? Tu me prends pour un idiot?»

«Les enfants sont confrontés aujourd'hui aux images de violence, de pornographie, de propos racistes, d'appel à la haine... Il vaut mieux en parler, en rire», dit Zep.

Si Titeuf n'a pas de téléphone cellulaire, il consulte internet (chez Manu) pour trouver des réponses à ses questions. Parfois, on y fait de mauvaises rencontres.

Manu et Titeuf vont ainsi se coltiner un pédophile en cherchant des solutions à leurs problèmes de maths sur internet. Ça pourrait être atroce, grâce au talent de Zep, c'est juste hilarant.

Une des pages les plus drôles de l'album est inspirée du terrorisme. Pour aider un petit garçon à récupérer son ballon de baudruche, Titeuf abandonne son cartable dans une galerie commerciale. Il récupère le ballon mais, pendant ce temps, les services de déminage ont fait exploser sa sacoche.

Évidemment, la maîtresse ne croira pas un mot de cette histoire. «C'est l'excuse la plus nulle que j'aie entendue de toute ma carrière», dit-elle. Dépité, Titeuf constate: «Le terrorisme, c'est vraiment l'horreur».