Harry Potter et les Reliques de la Mort se terminait 19 ans après la Bataille de Poudlard et la défaite de Voldemort. Harry était devenu adulte, il avait épousé Ginny Weasley, leur fils Albus allait entrer à Poudlard.

C'est là que nous les avions laissés. C'est là que nous les retrouvons grâce à Harry Potter et l'enfant maudit qui, comme on l'a déjà dit et écrit, n'est pas un roman, mais le scénario de la pièce de théâtre qui fait un malheur à Londres depuis cet été.

En clair, cela signifie que ce texte, dont la traduction française a été lancée cette nuit, est d'abord fait pour être VU. Résultat: l'expérience de lecture est beaucoup moins immersive que celle d'un roman. La forme même, avec ses dialogues, ses didascalies, ses divisions par scènes et actes, demandera un effort supplémentaire au lecteur non initié à ce genre (ce que sont la plupart).

Mais.

Si l'écriture de J.K. Rowling nous manque, son formidable imaginaire est, lui, présent dans toute l'histoire. Qu'elle a après tout imaginée, avant de la mettre entre les mains du metteur en scène John Tiffany et du dramaturge Jack Thorne. Puis, pour la version française, dans celles du traducteur Jean-François Ménard - un habitué de cet univers puisqu'il a traduit tous les volets de la saga.

Son savoir et sa maîtrise de l'oeuvre se sentent, on s'émerveille encore de la virtuosité et de l'intelligence avec lesquelles il a adapté les néologismes «rowlingiens» à la langue de Molière et on passe aisément sur les quelques répliques qui, ici et là, au fil de 340 pages de dialogues, sembleront très (trop?) collées au texte original à qui connaît bien la langue de Shakespeare.

Bref, comme à son habitude, la romancière est l'architecte d'un récit qui déboule, qui rebondit, qui surprend jusque dans ses dernières pages. 

Et qui, de plusieurs façons, creuse avec émotion le sillon de la relation père-fils qu'elle a si bien déclinée dans ses romans, de même que ses thèmes de prédilection que sont la famille, l'amitié, le combat entre le bien et le mal, le désir de justice, la loyauté.

Harry et fils

Ce qu'il en est plus précisément?

Harry Potter est à présent fonctionnaire au ministère de la Magie (oui, c'est un peu décevant) ainsi qu'Hermione (ça aussi, on imaginait mieux), elle, mariée à Ron (là, youpi). Ils ont des enfants. Et, au début de L'enfant maudit, Albus, le fils cadet de Harry, va entrer à l'école des sorciers. Mais juste avant, à bord du Poudlard Express, il se lie d'amitié avec un certain Scorpius. Le fils de Drago Malefoy. Horreur.

Pas de quoi améliorer les relations tendues entre le père considéré comme un héros par la communauté des sorciers et le fils qui ne se sent pas à la hauteur. C'est d'ailleurs pour cette raison que le garçon va essayer de corriger une injustice commise autrefois et dont Harry serait (indirectement) responsable.

Sauf que jouer avec le passé, grâce à un Retourneur de temps (oui, il en restait un après la Bataille du Département des mystères, et il a des propriétés différentes de celui qu'Hermione avait utilisé dans Le prisonnier d'Azkaban), peut avoir de graves conséquences. Ici racontées avec moult détails.

D'accord, on ne le dira jamais assez, la narration de J.K. Rowling manque cruellement. Une partie du terreau qu'elle sait si bien utiliser, de nature plus psychologique, émotive et descriptive, est très peu utilisée dans cette histoire qui demeure vue de l'extérieur... puisque, justement, destinée à être vue.

Et en fermant ce bouquin que, malgré tout, il prendra grand plaisir à lire, le Moldus «pottermaniaque» fera un souhait: pouvoir lire, un jour, une version romanesque de cette histoire, même si J.K. Rowling a assuré que L'enfant maudit était destiné à la scène et seulement à la scène.

On ne lui en voudra pas si elle revient sur sa parole.

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Harry Potter et l'enfant maudit - Parties un et deux. D'après une nouvelle histoire originale de J.K. Rowling. John Tiffany et Jack Thorne. (Traduction de Jean-François Ménard). Gallimard. 340 pages.