Propulsée sur la scène internationale par des séries à succès comme Les Nombrils et Paul (à Québec, dans le Nord...) la bande dessinée québécoise, en pleine effervescence, est l'invitée d'honneur de la Fête de la BD ce week-end à Bruxelles, l'un des berceaux du «neuvième art».

«Depuis plus de 100 ans, la bande dessinée a toujours été présente au Québec: au début du XXe siècle dans les journaux, dans les revues catholiques dans les années 40, puis il y a eu la BD underground dans les années 70... mais elle était très peu visible» en dehors du Canada, explique à l'AFP Sylvain Lemay, professeur à l'Université du Québec en Outaouais (région administrative du sud du Québec).

Ce qui a changé la donne? Une «éclosion d'auteurs et de maisons d'édition au début des années 2000, ce qui fait qu'aujourd'hui, la BD québécoise est en bonne santé et très diversifiée», relate l'universitaire, lui-même scénariste.

«Il y a des auteurs qui font du comics, d'autre de la bande dessinée humoristique en Europe, il y a des gens qui sont publiés au Québec et qui font de la BD plus personnelle», confirme Thomas-Louis Côté, directeur du Festival de la bande dessinée francophone de Québec.

Une vingtaine d'auteurs et une trentaine d'éditeurs québécois ont fait le déplacement de Bruxelles, ville qui a vu naître Hergé.

Les Québécois occupent le pavillon central planté dans le parc royal, au coeur de la capitale belge, à l'occasion de cette 8e édition d'un festival qui devrait attirer des dizaines de milliers de personnes pour des séances de dédicaces, des conférences, et une parade de ballons géants dimanche après-midi.

Humour et poésie

Fer de lance du renouveau de la BD d'auteur, Michel Rabagliati fut le premier Canadien a remporter un prix au Festival international d'Angoulême, en 2010, avec Paul à Québec.

La série des Paul, publiée depuis 1999 par La Pastèque, l'un de ces éditeurs québécois qui ont révolutionné le secteur au tournant du XXIe siècle, compte neuf volumes et est traduite en sept langues, preuve que son attrait dépasse largement les frontières de la Belle Province.

Pourtant, ce Montréalais de 55 ans ne gomme à aucun moment le caractère québécois de son héros adolescent, dont il retrace avec poésie et humour les aventures quotidiennes.

«Les histoires familiales qu'on retrouve dans les Paul, on les retrouve dans les familles barcelonaises. Je subodore que ça va intéresser les gens, je laisse les québécismes tels qu'ils sont», confie Michel Rabagliati.

Mais couleur locale ne veut pas dire Canada de carte postale. «Avec les Paul, on n'est pas dans les histoires de traineaux à chiens, de cabanes en bois ronds ou de trappeurs. On est vraiment dans le Québec d'aujourd'hui. D'ailleurs, à Montréal, on fait lire Paul aux nouveaux immigrants», se réjouit l'auteur.

Grands succès

Marc Delafontaine, dit «Delaf», et Maryse Dubuc, sont quant à eux les heureux parents des Nombrils, une série humoristique, «satire de l'adolescence», selon leurs mots, dont les sept albums se sont vendus à plus de deux millions d'exemplaires au total.

Bien que Québécois, ils se sont adressés à l'éditeur belge Dupuis (Spirou, Les Tuniques bleues...), qui en a fait un de ses succès de vente. L'accent québécois n'y est pas absent, mais moins prononcé.

«Les lecteurs d'ici se reconnaissent dans les personnages, vivent un peu les mêmes choses, même si les décors peuvent un peu changer, comme les casiers dans les écoles», raconte Delaf.

Autre caractéristique de la BD québécoise: elle «beaucoup faite par des filles», souligne à ses côtés Maryse Dubuc.

Parmi ces auteures féminines émergentes, la Franco-canadienne Julie Delporte (Je vois des antennes partout) a fait le choix d'être éditée au Québec chez Pow Pow, plutôt que dans une grande maison franco-belge. «C'est tellement plus agréable: tout le monde se connaît, il y a moins de contraintes», souligne-t-elle, tout en reconnaissant que les «avances reçues par les auteurs sont meilleures» en Europe.