À défaut de vivre de nouvelles aventures depuis le décès d'Hergé, Tintin ne cesse d'explorer les langues du monde entier jusqu'à s'exprimer en papiamentu, en wolof ou dans les dialectes français laissés pour compte.

Il y a un mois, en décembre, est sorti un nouvel album de Tintin, L'Ilate negue, la version de L'île noire en saintongeais, le patois de la région de Cognac.

«Nous avons été surpris par le succès. Les 6500 albums imprimés se sont arrachés comme des petits pains», se félicite Maryse Guedeau, à l'initiative du projet.

Tintin a récemment franchi le cap des traductions dans 100 langues et dialectes. Avec plus de 230 millions d'albums vendus dans le monde depuis sa création, il fait la course en tête avec le petit Gaulois Astérix, l'autre star de la BD franco-belge s'exprimant aussi bien en allemand qu'en picard.

«Notre ambition est que Tintin soit lu dans un maximum de langues, qu'elles soient internationales ou locales», affirme Simon Casterman, le directeur commercial de Casterman, l'éditeur historique basé à Bruxelles.

Cet objectif est désormais atteint pour les grandes langues internationales, à l'exception notable de l'arabe en raison des difficultés liées au sens de la lecture de droite à gauche.

Dans de nombreux pays, comme la Russie, la popularité de Tintin a été dopée par le film de Steven Spielberg (Le secret de la Licorne) sorti en 2011. Il a permis de relancer l'intérêt pour un héros dont le dernier album remonte à 1976, Hergé n'ayant pas voulu qu'un autre que lui ne le dessine.

Bientôt en araméen et bambara?

Pour les langues régionales et locales, la stratégie de Casterman est surtout pragmatique. «Nous répondons aux demandes d'associations culturelles qui souhaitent traduire dans leur dialecte les aventures d'un héros connu de tous», explique Simon Casterman. Ces associations sont alors chargées de traduire, promouvoir et financer l'album.

C'est ainsi que se sont multipliées depuis trente ans les éditions locales en France (breton, corse, ch'ti ou gruérien, dialecte du nord des Alpes) et en Belgique (anversois, ostendais ou gaumais).

Le petit reporter a aussi appris à parler québécois, féroïen, tahitien et papiamentu, la langue créole des Antilles néerlandaises où a été publié E asuntu di Florisol (L'affaire Tournesol).

Il a pris pied en 2013 en Afrique avec le wolof, une langue orale parlée par plus de 10 millions de personnes au Sénégal. «Par son aspect divertissant, cette BD constitue un outil d'une importance capitale pour la promotion du wolof, aussi bien au niveau national que de la diaspora», a salué Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, dans la préface de Kumpag wangalang wi (Le secret de la Licorne), traduit par des volontaires du monde entier contactés par internet.

L'une des priorités de Casterman est désormais de trouver des relais en Inde, «où Tintin est très populaire en anglais», pour lancer des éditions en bengali, assamais ou tamoul.

D'autres projets existent en araméen, en yiddish et en bambara, la langue nationale du Mali.

La plupart de ces éditions sont enrichies d'un lexique afin de ne pas faire fuir les tintinophiles néophytes.

Les traducteurs doivent faire preuve d'imagination pour adapter les célèbres insultes «intraduisibles» du capitaine Haddock et les noms des héros. C'est ainsi que «Dupont et Dupond» sont devenus «Schutze und Schulze» en allemand, «Thomson and Thompson» en anglais, «Hernandez y Fernandez» en espagnol et «Ar Bras/Ar Braz» en breton.