Le dessinateur français Albert Uderzo a annoncé lundi qu'il déposait plainte pour «violences psychologiques» contre sa fille et son gendre, nouvel épisode dans un conflit familial qui les oppose depuis 2007 concernant l'avenir d'Astérix, la bande dessinée française la plus vendue dans le monde.

«Je me suis tu pendant des années, mais aujourd'hui j'ai décidé de réagir», a déclaré le dessinateur qui avait convié la presse dans son hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine, près de Paris, pour s'exprimer pour la première fois sur ses tourments judiciaires avec sa fille Sylvie.

«Je veux me retourner contre ceux qui m'attaquent. Trop c'est trop», a ajouté le cocréateur avec René Goscinny, décédé en 1977, des aventures d'Astérix et Obélix.

En conflit depuis 2007 avec sa fille, Albert Uderzo, 86 ans, l'accuse de vouloir «mettre la main» sur la très rentable saga Astérix.

M. Uderzo et sa compagne Ada «constatent que leur fille et son mari ne veulent à aucun prix d'une réconciliation, introduisent et font prolonger des procédures judiciaires qui ne reposent sur aucun fondement». «Ces actes ont pour unique objet de porter atteinte à notre intégrité psychologique, de hâter notre affaiblissement pour mettre la main sur notre patrimoine qu'ils convoitent», accusent-ils.



Plus de 352 millions d'albums


En 2007, la discorde éclate lorsque Sylvie Uderzo et son époux Bernard de Choisy sont remerciés par les éditions Albert René, chargées des albums d'Astérix conçus après le décès de René Goscinny.

La société est l'année suivante cédée à Hachette Livre, mais Sylvie Uderzo s'oppose à la transaction.

Contrairement à tout ce qui a été dit, «c'est moi qui ai pris la décision d'écarter ma fille», révèle aujourd'hui M. Uderzo.

«Elle me disait: «Toi, tu es un artiste. Occupe-toi de ton personnage. Reste dans ta bulle et nous nous occuperons de la gestion de la société»», raconte-t-il.

Le dessinateur et scénariste s'inquiétait de l'emprise de son gendre, «un gourou», sur Sylvie et de sa mainmise sur la maison d'édition.

En 2011, Mme Uderzo, qui a finalement vendu ses parts à Hachette, dépose plainte pour «abus de faiblesse». Elle assure que certains membres de l'entourage d'Albert, âgé aujourd'hui de 86 ans, profitent de son état de santé pour influer sur la gestion de son oeuvre et de sa fortune.

Le père d'Astérix a toujours démenti être en état de faiblesse. «Des experts m'ont interrogé pendant dix-sept heures. Ils ont conclu qu'ils aimeraient avoir une telle mémoire s'ils arrivent à mon âge», a-t-il relevé dans un sourire.

Les conclusions des enquêteurs sont d'ailleurs sans appel. «Aucun élément n'a révélé des faits d'abus de faiblesse» dont auraient été ou seraient encore victimes Albert et son épouse Ada Uderzo, selon le rapport remis au juge d'instruction et dont l'AFP a obtenu copie. Ils mettent en avant «l'énergie étonnante», «la grande vivacité intellectuelle» et «la mémoire intacte» du dessinateur.

Interrogé, l'avocat de Sylvie Uderzo a dénoncé une interprétation «totalement «fausse».

Pour Nicolas Huc-Morel, la fille du célèbre dessinateur «souhaite uniquement que la lumière soit faite sur la manipulation dont sont victimes ses parents».

L'enjeu de cette saga judiciaire est de taille car Astérix est assis sur un tas d'or. Le célèbre Gaulois est la BD française la plus vendue (plus de 352 millions d'albums) et la plus traduite (111 langues et dialectes) au monde. Le dernier album, le premier sans Uderzo, est sorti le 24 octobre dans 15 pays et 23 langues, dont le catalan, le gallois, l'écossais et le gaélique.

Uderzo, qui a déposé aujourd'hui ses pinceaux, a passé le relais à Jean-Yves Ferri (scénario) et Didier Conrad (dessin) pour ce 35e opus, Astérix chez les Pictes, qui se situe en Écosse.

Début octobre, à quelques jours de la sortie du dernier album d'Astérix, une enquête préliminaire avait été ouverte par le parquet de Nanterre, près de Paris, à la suite d'une nouvelle plainte de Sylvie Uderzo accusant l'expert-comptable du dessinateur de «faux témoignage».