Racontée et dessinée par trois jeunes espoirs, dont Bastien Vivès, la série Lastman est un nouvel ovni dans la BD franco-belge, qu'elle veut bousculer en adoptant le rythme trépidant des mangas et en se déclinant sur le web ou en jeux vidéo.

Publier 12 albums en quatre ou cinq ans est l'objectif que s'est fixé le trio d'auteurs de Lastman, dont le premier tome sort jeudi dans les librairies.

«C'est un pari un peu fou qui va nous demander beaucoup d'envie et d'énergie», explique Bastien Vivès en présentant la série à Bruxelles.

Pour le réussir, l'auteur de 29 ans célébré pour les albums Polina et La Grande Odalisque fait équipe avec Balak, un spécialiste du «story board» dans le monde de l'animation, et l'illustrateur Michaël Sanlaville.

Ces trois copains français travaillent ensemble depuis un an dans un studio de production parisien, se partageant le scénario, le découpage et le dessin. Utilisant la technologie numérique, ils ont déjà réalisé les trois premiers tomes, soit 600 pages, qui sortiront dans les prochains mois.

«Ça a commencé comme une blague, dans un café. On s'est dit: «Et si on faisait un manga?» On voulait lui donner une dimension érotique, qu'on a ensuite abandonnée pour inventer une aventure plus consensuelle», témoigne Bastien Vivès.

Le projet a rapidement convaincu Casterman, le vénérable éditeur bruxellois de Tintin et de nombreux auteurs de BD réputés comme Jacques Tardi ou François Schuiten.

«Lastman est le premier produit d'une nouvelle génération qui se nourrit de toutes les influences. Il mélange l'énergie du manga japonais et du comic américain tout en respectant les codes scénaristiques de la BD franco-belge. Les héros ne portent pas de cape et n'ont pas de super-pouvoirs», explique Didier Borg, l'éditeur du label KSTR, créé il y a six ans par Casterman pour accueillir les auteurs de nouvelle génération.

Comme un feuilleton

L'album papier, tiré à 40 000 exemplaires pour le premier tome, n'est qu'un outil de «l'univers Lastman». Sur le modèle des «webtoons» japonais et coréens, la série est prédiffusée gratuitement, en feuilletons hebdomadaires, sur le site web Delitoon. «Nous n'avons pas fait de pub mais on compte 100 000 actes de lectures en deux mois, ce qui est très satisfaisant», se félicite Didier Borg.

Le site offre également des vidéos loufoques mettant en scène les auteurs au travail. La sortie d'un jeu vidéo est prévue en 2014 et, si la série décolle, elle pourrait être déclinée en film d'animation.

Bastien Vivès rêve ainsi que «se crée une communauté autour de Lastman», à l'image de celles existant pour les séries mangas les plus populaires comme Naruto ou One Piece.

Dessinée en noir et blanc, Lastman s'adresse à un large public à partir de huit ans grâce à ses différents niveaux de lecture. Son héros principal, Adrian Velba, est un gamin de 9 ans qui rêve de participer à un prestigieux tournoi d'art martial. Lâché par son partenaire, il doit faire équipe avec Richard Aldana, un costaud hâbleur et débarqué de nulle part, qui ressemble à Corto Maltese. Ce séducteur tombe sous le charme de la mère célibataire d'Adrian, la belle boulangère Marianne.

«Comme c'est un feuilleton, les choses vont se mettre en place progressivement. Il faut surprendre les lecteurs», explique Bastien Vivès.

Le trio s'amuse ainsi à situer Lastman dans un lieu indéfinissable où les habitants portent des tenues antiques mais jurent comme aujourd'hui, tandis que de mystérieux dinosaures peuplent le décor.