Voici dix pesonnages marquants de la BD au Québec. De Ben à Rupert K, en passant par Capitaine Kébec et Les Nombrils.

Onésime

Onésime, créé par Albert Chartier, n'est pas le premier personnage de bande dessinée québécoise. Il est toutefois celui qui a eu la vie la plus longue: il a été publié des années 1940 aux années 1990, dans le bulletin des agriculteurs, mais aussi dans les pages de La Presse. Chartier misait sur un comique de situation révélateur de l'esprit de son époque, à cheval entre tradition canadienne-française et modernité québécoise. Des dizaines de ses gags en une planche ont été réédités l'an dernier aux éditions Les 400 coups.

Capitaine Kébec

Satire des superhéros de comic book américain, le Capitaine Kébec de Pierre Fournier est l'une des icônes du bouillonnement créatif de la BDK - k pour «kébécoise» - des années 1970. Ce loufoque justicier, constamment confronté au méchant Frogueman, acquérait des pouvoirs lorsqu'il fumait une substance non identifiée. On l'a même vu se disputer dans un bar avec un capitaine plus célèbre que lui, Haddock, et être défenestré par ses bons soins. Une réédition des aventures de Capitaine Kébec, que son créateur considère aujourd'hui comme «péché de jeunesse», est dans l'air.

Bojoual

On pourrait dire de Bojoual qu'il est une déclinaison locale d'Astérix. Le raccourci s'impose en raison de la manière de présenter les personnages en début d'album et parce que ces Indiens résistent à la civilisation occidentale et au pouvoir en place (anglophone entre autres). Coureur des bois doté d'une force «louicyrienne» lorsqu'il est en «beau joual vert», il a notamment fait face à des caricatures de Pierre-Elliott Trudeau, Jean Drapeau, Robert Bourassa et le général de Gaulle dans une histoire d'arme atomique campée dans le décor de l'Expo 67 (Bojoual à l'ex-peaux des 67).

Michel Risque

Parodie des romans d'aventures à la Bob Morane, Michel Risque, dit «le héros à la mâchoire carrée», est né avant d'être publié dans Croc, mais c'est dans les pages de ce magazine qui domine le paysage de la bande dessinée québécoise durant les années 1980 qu'il prend son envol. Réal Godbout a créé le personnage. Pierre Fournier (Capitaine Kébec) s'est très vite joint à lui pour en imaginer les nombreuses et incroyables mésaventures dont il sort rarement indemne. Michel Risque a eu au moins un dommage collatéral: Red Ketchup. L'indestructible agent du FBI est en effet apparu pour la première fois dans Michel Risque en vacances.

Jérôme Bigras

Rejeton de l'ère Croc, Jérôme Bigras vit à Bungalopolis, la plus grande et la plus plate des banlieues de l'univers. Il tente d'y mener une vie rangée avec Rex, sa fidèle tondeuse à gazon. Jean-Paul Eid, son créateur, s'arrange toutefois pour le faire sortir de ses gonds en le propulsant constamment dans des histoires sans queue ni tête. Ses outils? Un sens de l'humour féroce et une habileté inouïe à jouer avec les codes de la bande dessinée. Eid multiplie les clins d'oeil aux icônes du genre, qu'il s'agisse de Tintin ou de comic book de super héros, et pousse son goût de la déconstruction au maximum dans Le fond du trou (2011) album percé d'un véritable trou qui permet de voir à travers...

Julie

Dirty Plotte - Ciboire de crisse! dans sa version française - n'est pas une série à mettre dans toutes les mains. Dans ces bandes dessinées crues, d'abord publiées sous forme de fanzine photocopié, Julie Doucet raconte son quotidien, ses angoisses et ses fantasmes. Son style trash et son ton la démarquent: après avoir été rééditée chez Drawn & Quaterly (important éditeur de BD anglo-montréalais), sa série lui vaut un Harvey Award pour le jeune talent le plus prometteur. Julie Doucet est revenue à Montréal au tournant des années 2000, mais a abandonné la BD. En français, ses livres sont publiés par L'association.

Rupert K

Obsédé par la télé et les jeux vidéos, comme bien d'autres petits garçons, le jeune Rupert K est l'étrange rejeton des frères Gilles et Bruno Laporte, respectivement scénariste et dessinateur. Un coup d'oeil suffit pour saisir que cet enfant à l'air sinistre, habillé comme un croque-mort, broie plus de noir que Charlie Brown. Ce qui n'est pas rien. Ce jeune rejet donne à voir le côté sombre de l'enfance et de l'adolescence et rappelle que toutes les bandes dessinées mettant en scène des enfants ne sont pas destinées aux enfants... Rupert K a même subi les foudres de la censure au début de la dernière décennie, dans une bibliothèque de Hull!

Ben

Daniel Shelton connaît un immense succès avec Ben. Les petites aventures de son sympathique et parfois bougon personnage en effet publiées dans une foule de journaux en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. Le créateur originaire de Sherbrooke a trouvé sa voix en inventant le quotidien d'un couple de retraités, Ben et Olivia, qui joue à plein son rôle de grands-parents. Une petite vie qui, au-delà des apparences, est loin d'être sans histoire!

Les Nombrils

Deux chipies égocentriques et une grande échalotte sensible, le trio de choc Les nombrils créé par Delaf et Dubuc remporte un succès sans précédent: cinq albums publiés et des ventes avoisinant le demi million d'exemplaires au total. Son succès tient à un ton à la fois efficace et nuancé, où l'émotion  trouve sa place entre un humour ado léger et une ironie plus grinçante. On a rarement vu des auteurs jouer aussi habilement du gag à une planche sans jamais perdre de vue la trame dramatique qu'il développe sur 48 pages.

Paul

Paul, de Michel Rabagliati, s'est taillé une place de choix dans le coeur des lecteurs québécois. Paul au parc, paru en novembre, a été l'un des livres les plus vendus tous genres confondus l'automne dernier au Québec. La vie de Paul est un véritable miroir de la société québécoise, des années 1970 à nos jours. S'y plonger, c'est un peu plonger en soi et dans l'histoire de sa famille. Rabagliati est un conteur fabuleux, sensible, capable de légèreté comme d'aborder avec doigté et dignité le deuil (Paul à Québec) ou les inégalités sociales (dans Paul à la pêche, notamment).