Martine, la petite héroïne de millions de  fillettes depuis les années 1950, est en deuil: son dessinateur, le Belge Marcel Marlier, est mort en début de semaine à l'âge de 80 ans.

M. Marlier, qui résidait près de Tournai, souffrait depuis l'été de problèmes de santé sévères, qui ont provoqué son hospitalisation le 19 novembre, au lendemain de son anniversaire.

Sortie en 1954, la première aventure, Martine à la ferme (sans son chien  Patapouf, un teckel à poils longs qui la rejoindra plus tard) interprétait les joies de la vie rurale pour la génération d'après-guerre.

Sorti en 2010, le 60e et dernier album, Martine et le prince mystérieux, la fait évoluer à Venise dans un univers féerique de carnaval.

Entre temps, malgré la disparition prématurée du scénariste Gilbert Delahaye, en 1997, le succès a été constant.

«Dans les files d'attente pour mes dédicaces, ce sont trois générations de femmes qui se pressent, de la grand-mère à la petite-fille», avait souligné Marlier avec fierté à l'AFP, peu avant d'être hospitalisé.

«Si j'ai la force de faire un 61e album, je voudrais mettre en scène Martine au milieu de la nature et des animaux sauvages», avait-il confié, conscient de son état de santé fragile.

Un goût de l'univers animalier qui avait attiré l'attention de «Bambi», alias Michael Jackson.

Ayant découvert l'oeuvre de Marlier au travers de puzzles Martine, «Michael» l'avait invité avec sa femme à le rencontrer à Paris. Il lui avait proposé d'acheter ses originaux, mais le dessinateur avait décliné l'offre, se contentant de donner à la star américaine son portrait au crayonné.

Martine, un nom courant dans les années 1950 en Europe francophone, change d'identité en fonction des pays. Elle s'est notamment appelée Debbie aux États-Unis, et Martina, en Italie, pays où elle était redevenue populaire ces dernières années après une éclipse.

Au départ, il s'agissait pour l'illustrateur Marlier d'une commande comme une autre, promise à une série très courte.

Dans ce style si reconnaissable, léché et détaillé, il a ainsi dessiné les aventures d'autres personnages, comme «Jean-Lou et Sophie» et «Follet le petit chat», et illustré les livres de la comtesse de Ségur.

Face au triomphe des Martine, à la mer, à la montagne, en train, à cheval, en avion... le scénariste Delahaye et Marlier ont dû collaborer assez étroitement.

Avant de peindre un album en trois à quatre semaines, le dessinateur se livrait à de minutieux préparatifs. Ainsi, «pour Martine et les petits rats de l'Opéra, on est allé deux semaines à l'école de danse de Maurice Béjart à Bruxelles», avait-il raconté.

Des jeux vidéo existent déjà et un dessin animé en 3D était en préparation pour la fin 2011. Un nouveau public pourra ainsi découvrir Martine, que Marlier décrivait comme une gamine «qui n'est pas sage, mais essaie de bien faire».

Une consécration pour ce fils de menuisier et ancien élève de l'école des beaux-arts de Saint-Luc à Tournai, qui, dès ses 10 ans, avait montré un don exceptionnel pour le dessin.

Pour Casterman, c'est la fin d'une époque. Selon Marlier, citant un responsable de l'éditeur, «si Tintin était la tartine, Martine était le beurre qui allait dessus».

Aujourd'hui encore, les aventures de l'irrésistible fillette paraissent dans une quinzaine de langues. Un premier tirage de Martine en français, c'est 80 000 exemplaires.

Cependant, en accord avec son fils Jean-Louis, qui assurait depuis des années la rédaction des récits, Marlier, - comme Hergé pour Tintin -, avait tranché: après sa mort, Martine n'aurait pas de suite.