Le poète Claude Péloquin est mort dimanche, à 76 ans, des suites d'un cancer généralisé à l'hôpital Marie-Clarac de Montréal. Il y avait été admis au début de novembre.

Célèbre pour son vers «Vous êtes pas écoeurés de mourir bande de caves! C'est assez!» immortalisé sur une oeuvre murale du sculpteur Jordi Bonet au Grand Théâtre de Québec, il disait souvent préférer «passer pour fou que passer tout droit». 

Claude Péloquin a publié une trentaine de recueils de poésie depuis Jéricho en 1963. Il est aussi l'auteur des chansons Monsieur l'Indien et Lindberg. Ce dernier succès interprété par Robert Charlebois et Louise Forestier lui a valu un prix en 1969. Il a aussi scénarisé et réalisé trois courts métrages, en plus d'enregistrer cinq albums.

Claude Péloquin avait publié son dernier recueil l'an dernier aux Écrits des Forges, La valse fatale. Il se savait alors malade, même s'il n'en parlait pas à ses proches, dont le poète rockeur Lucien Francoeur, frère d'armes depuis une trentaine d'années.

«Il était fidèle en amitié et généreux. On était très complices. C'était un poète 24 heures par jour. Il se levait et se couchait avec un poème. Il était constamment en ébullition, comme Dali. Il était plus grand que nature. Le gars était inépuisable, un travailleur forcené, un poète entêté.»

Le rockeur compte d'ailleurs enregistrer sa propre version de Monsieur l'Indien sur le prochain disque de son groupe Aut'chose. Il croit également qu'un coffret des cinq albums de Claude Péloquin pourrait être réédité.

«Il a changé le rock québécois à partir de la chanson Lindberg avec ses textes surréalistes. Il n'a jamais arrêté d'écrire malgré le fait qu'on lui ait toujours refusé des subventions. Il était méprisé. C'est certain qu'il pouvait être arrogant, mais c'était un être extrêmement vulnérable et fragile.»

Le chanteur Robert Charlebois a réagi en publiant un poème en l'honneur de Claude Péloquin.

«On a fait les fous au sud du sud/On a travaillé fort au nord du nord/On a rigolé on s'est engueulé/Triste novembre pour la poésie/Son combat contre la mort s'arrête ici/Il est parti sur Québec Air Transworld... Eastern Western pis Pan American/Adieu poète.» 

«Un monument»

L'auteur-compositeur-interprète Yann Perreau l'a aussi côtoyé dans les dernières années. Il a enregistré en 2012 l'album À genoux dans le désir avec des textes inédits de Claude Péloquin.

«Il a fait plein de choses qu'on connaît moins. Il a sorti deux recueils dans les trois dernières années. Il a toujours été pertinent, amoureux, passionné et à contre-courant. Ces derniers temps, il en avait marre. Il s'est fait tatouer sur un mollet le mot game et sur l'autre, over», se souvient le chanteur Yann Perreau.

En 2010, dans un vernissage de l'artiste visuel Zilon, le poète s'était approché de lui avec une enveloppe contenant 300 pages.

«Quand je l'écoute et je le lis, j'ai l'impression que c'est du Yann Perreau. On se ressemblait pour plein de choses. Il était contesté en raison de son caractère, mais je n'ai rien vécu de négatif avec lui.»

Étienne Poirier, son éditeur aux Écrits des Forges pour La valse fatale, ignorait également la gravité de sa maladie. Il s'est dit «chaviré» par sa disparition.

«C'est clairement son testament, dit-il. Je suis très content d'avoir travaillé sur le livre avec lui. Il y a une charge émotive très personnelle et intime dans ce recueil. Claude Péloquin est un monument dans notre histoire littéraire récente.» 

Son ex-compagne Francine Morand a partagé la vie du poète au Québec et aux Bahamas pendant cinq ans dans les années 70. Malgré les hauts et les bas de la vie de couple, elle souligne que Claude Péloquin restera toujours un «grand poète». 

«Cela a été un grand amour à moi, confie-t-elle. Je ne parle pas nécessairement de ses derniers livres, mais ses premières plaquettes vont faire histoire.»

Années 60 et 70

Le professeur de littérature à l'Université de Montréal Karim Larose décrit la démarche artistique de Claude Péloquin comme «foncièrement anticonformiste».

«Je trouve plus intéressant le Péloquin quasi dadaïste de la deuxième moitié des années 60. Claude Péloquin a 23 ans en 1965. Il fonde alors le Zirmate, un groupe interdisciplinaire axé sur les arts, mais très intéressé aussi par la science et les mathématiques, un alliage surprenant pour l'époque», souligne le professeur. 

«Il était fasciné par les avancées de l'exploration spatiale. Il ira même jusqu'à dédier l'un de ses recueils à la NASA, c'est tout dire.»

En 2009, Claude Péloquin a eu maille à partir avec le fondateur du Cirque du Soleil Guy Laliberté, à la veille du voyage spatial de ce dernier, pour un texte dont le poète avait refusé de céder les droits. «Je n'ai rien contre Guy [Laliberté], avait-il déclaré à La Presse par la suite. Ce sont ses soldats autour qui ont voulu me faire signer des droits à vie.»

Dans les années 60 et 70, l'artiste refusait la poésie de son époque, qu'il considérait comme larmoyante et refermée sur elle-même. Il voulait mordre dans le réel, estime Karim Larose.

«Au lyrisme apitoyé, il opposait un grand rire qui emportait tout: sa poésie était ludique, iconoclaste, éclatée, à l'image des paroles de Lindberg. Son travail était exploratoire; il cherchait des dispositifs neufs et multipliait les happenings, une nouveauté à l'époque.» 

En collaboration avec le musicien Jean Sauvageau, Claude Péloquin présentera un spectacle mémorable au Pavillon de la jeunesse d'Expo 67. «C'était un spectacle fameux qu'il considérait comme une expérience totale, alliant poésie, musique et mise en scène», conclut le professeur Larose.

PHOTO ANTOINE DESILETS, ARCHIVES LA PRESSE

Claude Péloquin en 1972