À la suite du tollé dans le milieu du livre provoqué par l'annonce qu'Amazon devenait le commanditaire principal du Prix littéraire des collégiens, l'organisation du prix annonce sa suspension jusqu'à nouvel ordre. Les éditeurs, les libraires et même les auteurs finalistes à ce prix ont pris publiquement position contre ce partenariat avec un géant considéré dangereux pour l'écosystème du livre au Québec.

Dans un communiqué, la cofondatrice et présidente de la Fondation Marc Bourgie, Claude Bourgie Bovet, déclare que « la décision est la résultante directe de la réaction désolante de plusieurs acteurs du milieu du livre au Québec suivant l'annonce récente d'un appui majeur » et que « l'entrée en vigueur de cette décision est immédiate et pourrait être révisée si les conditions gagnantes sont de nouveau réunies pour poursuivre l'objectif principal que nous avons pour le Prix littéraire des collégiens, soit celui de faire découvrir et aimer notre littérature par les jeunes Québécoises et Québécois ».

Jointe par La Presse, Sylvie Bovet, coordonnatrice du prix, précise que cette suspension vise à « se donner une chance d'évaluer tout ça ». « Nous espérons que les gens vont adhérer d'une façon ou d'une autre à notre décision, qui n'a pas été prise sur un coup de tête, dit-elle. Ce n'est pas juste une question d'argent, c'est une question de vision, de passer à une autre étape et d'aller de l'avant. »

Questionnée sur la possibilité de revenir sur la décision de la commandite d'Amazon, Sylvie Bovet ne semble pas opter pour cette avenue. « On veut prendre le temps de concerter tout le monde, de faire le tour des acteurs clés, des collèges, des auteurs, etc. Pour l'instant, notre but est de continuer avec Amazon, parce que ça offre une opportunité pour toute l'industrie. Il faut que les gens voient plus loin que ce qui a été énoncé. »

Du côté d'Amazon, on nous a fait parvenir une simple déclaration : « Les organisateurs du Prix littéraire des collégiens ont tout notre soutien pour entamer les prochaines étapes de l'édition 2019. »  

L'un des cinq finalistes au Prix littéraire des collégiens, l'écrivain Kevin Lambert, a reçu comme ses autres collègues la même lettre. « Je ne sais pas pourquoi ils font ça en ce moment alors que tout le monde est en mode solution, avoue-t-il. Depuis l'annonce, tout le monde est très solidaire, aucune association du milieu ne s'est positionnée contre une autre. On comprend que pour cette année, changer le financement est rapide, on est ouvert à plein de compromis. Mais personne ne va adhérer à ça, surtout pas les librairies. On va tous se rencontrer pour voir ce qu'on va faire. On va tous continuer à chercher des solutions, on ne se décourage pas. »

Du côté de l'Association des libraires du Québec (ALQ), sa directrice générale, Katherine Fafard, espère une résolution positive. « Personne d'entre nous ne souhaite que le prix ne soit pas remis, j'espère que la suspension ne sera que temporaire et que des solutions toutes québécoises seront trouvées et que le gouvernement du Québec, à l'éducation et à la culture, a bien entendu l'appel du milieu comme quoi ce prix-là est important et qu'ils doivent le soutenir. »

Le directeur général de l'Union des écrivaines et écrivains du Québec (UNEQ), Laurent Dubois, a déploré dans un communiqué cette suspension. « Jamais l'UNEQ n'a souhaité que cette édition soit suspendue, car cela n'est bénéfique pour personne. Nous demandons au gouvernement québécois de trouver des solutions rapides de financement pour ce prix essentiel à la diffusion de notre littérature afin que l'édition 2019 puisse avoir lieu et que l'organisation puisse bénéficier d'un soutien qui assure sa pérennité. »

Le Prix littéraire des collégiens, inspiré par le Prix Goncourt des lycéens, existe depuis 2003 et fait participer chaque année des centaines d'étudiants qui choisissent une lauréate ou un lauréat, après des délibérations et des activités avec les auteurs, avec une bourse de 5000 $ remise au final. Il est soutenu financièrement par la Fondation Marc Bourgie, la Fondation RBC, le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et le Ministère de la Culture et des Communications du Québec, et reçoit l'appui de plusieurs partenaires. Les finalistes de cette année sont Kevin Lambert, Lula Carballo, Karoline Georges, Dominique Fortier et Jean-Christophe Réhel.