Arrivé en poste en cours d'année, le nouveau directeur général du Salon du livre de Montréal, Olivier Gougeon, veut donner un nouveau souffle à l'événement qui s'apprête à lancer sa 41e édition. Nous lui avons parlé des défis qui l'attendent dans cette tâche colossale.

D'entrée de jeu, Olivier Gougeon savait qu'il serait l'architecte d'un changement qui s'imposait lorsqu'il a été nommé à la direction générale du Salon du livre de Montréal, au printemps dernier. Pour avoir évolué pendant plus de 15 ans dans le milieu de l'édition, dont 14 aux éditions Ulysse à titre d'éditeur et de directeur du marketing et des ventes, il était bien placé pour constater les multiples changements qui ont agité l'industrie du livre au cours de la dernière décennie.

«Le monde événementiel évolue, le rapport à la consommation et à la lecture change. Donc, c'est tout naturel que le Salon du livre de Montréal évolue aussi. On est dans un contexte en perpétuelle évolution et le numérique bouleverse les façons de faire.»

«Décloisonner le milieu du livre»

Malgré un succès qui ne se dément pas - l'événement a attiré 119 000 visiteurs en 2017 -, l'organisation veut affiner la manière avec laquelle elle rejoint les différents publics à travers sa programmation. Et assumer cette «immense présence» du livre dans nos vies.

«Le milieu du livre est trop cloisonné sur lui-même, dit Olivier Gougeon. C'est paradoxal parce que le livre est partout: tout commence ou finit par un livre. Soit un livre s'écrit et il y a toute une série de films et de jeux vidéo qui en découlent, soit quelqu'un va créer quelque chose et parce que ça connaît un succès, il va écrire un livre ensuite pour raconter son histoire.»

«Il faut décloisonner le milieu du livre pour qu'on voie tous ses liens avec les autres arts, les autres cultures, les autres réalités du monde dans lequel on vit», ajoute-t-il. 

«Par exemple, pourquoi n'y aurait-il pas un volet plus spécifique au monde des affaires, aux livres d'art ou aux ouvrages scientifiques dans la programmation?»

Olivier Gougeon donne l'exemple du Salon du livre de Genève qui, au cours des trois dernières années, a su innover en incluant notamment des scènes plus thématiques et un volet professionnel bonifié.

Rejoindre le visiteur

Une programmation plus ciblée pourrait d'ailleurs être le moyen, à son avis, d'attirer au Salon deux groupes absents de l'événement: d'une part, les jeunes adultes qui venaient au Salon avec l'école ou leurs parents, et qui n'y retournent plus jusqu'à ce qu'ils aient eux-mêmes des enfants; de l'autre, les lecteurs très au fait de tout ce qui se publie et qui ne trouvent pas nécessairement d'intérêt à se déplacer pour l'occasion.

«Le Salon est un événement très grand public, et il va le rester. Par contre, on peut sûrement développer des activités spécifiques pour cette clientèle, soit une programmation plus riche, soit des rencontres plus intimes.» Et pourquoi pas des spectacles en soirée en marge du Salon, ou des rencontres plus proches de la réalité des 18-20 ans? suggère-t-il.

Olivier Gougeon souhaite également améliorer l'accompagnement du visiteur sur place afin de parfaire son expérience devant la «marée» d'exposants, d'éditeurs, de livres, de séances de signatures et des quelque 2000 auteurs invités...

«Quand on arrive au Salon et qu'on ne sait pas trop où aller, on est un peu perdu. Oui, c'est bien de déambuler, mais si on pouvait prendre le visiteur quand il arrive et lui dire: "Toi, qu'est-ce qui t'intéresse?"»

C'est dans cette optique qu'a été mise sur pied pour la première fois cette année une équipe de bénévoles munis de tablettes pour accueillir les visiteurs, les conseiller dans leur recherche d'activités et même les guider jusqu'au bon stand. Car l'essence du Salon, plaide Olivier Gougeon, ce sont les rencontres - du lecteur avec l'auteur, du lecteur avec l'éditeur, de l'éditeur avec son auteur dans un contexte de vente et même des lecteurs entre eux. Un tout qui constitue, selon lui, la valeur ajoutée du livre acheté au Salon - et dont il n'est absolument pas question de baisser le prix, même s'il est vendu directement par l'éditeur.

«L'ADN du salon»

«L'ADN du Salon, c'est de vendre des livres, et il ne faut pas du tout en rougir. Ce côté à la fois marchand et culturel, c'est ce qui fait l'unicité du Salon. Le Salon est un lieu où l'on vient rencontrer les artisans du milieu du livre, les éditeurs, les créateurs, les auteurs... Le prix qu'on paie pour le livre, on le paie pour tout ça.»

Le nouveau directeur général du Salon du livre de Montréal veut que l'événement, qui est au deuxième rang des plus grandes foires francophones du livre dans le monde, devienne dès l'an prochain un leader en matière de réflexion, de discussion et d'élaboration d'idées sur l'innovation en édition, une industrie «bouillonnante» au Québec en ce moment. Et d'ici cinq ans, il compte même en faire un événement touristique majeur de la métropole.

«Ça a lieu pendant une période de l'année qui n'est pas facile, le mois de novembre, où il y a moins de tourisme qu'à d'autres périodes. Mais on a une occasion à saisir.»

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La Presse sera présente au Salon du livre, qui se tient à la Place Bonaventure du 14 au 19 novembre.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Olivier Gougeon, directeur général du Salon du livre de Montréal, lors du dévoilement de la programmation, le 22 octobre