L'écrivaine Maryse Condé, originaire de la Guadeloupe, a été choisie comme lauréate du New Academy Prize In Literature, surnommé le Prix Nobel alternatif, lors d'une cérémonie diffusée en direct de Stockholm vendredi matin. Parmi les finalistes, on retrouvait la Québécoise Kim Thuy, le Britannique Neil Gaiman, et le Japonais Haruki Murakami - ce dernier s'était cependant retiré de la course, préférant « se concentrer sur son écriture et rester à l'écart de l'attention médiatique ».

Il s'agit d'un prix éphémère, créé dans la foulée du mouvement #metoo, puisque l'Académie suédoise a été rattrapée par un scandale sexuel qui a reporté à l'an prochain la remise du prix Nobel de littérature. Près d'une cinquantaine d'auteurs ont été choisis par les libraires de Suède, et la liste a été soumise à un vote populaire mondial pour déterminer les quatre finalistes. Un jury de quatre membres a désigné la lauréate, en soulignant que son oeuvre « décrit les ravages du colonialisme et le chaos du post-colonialisme ».

Maryse Condé, 81 ans, figure majeure de la littérature des Caraïbes, a envoyé un court message de remerciement par vidéo, disant partager son prix avec sa famille, ses amis et la Guadeloupe. « Pour une fois, on va parler de nous pour une bonne raison », a-t-elle ajouté. Son oeuvre, qui compte une trentaine de romans, parmi lesquels Moi, Tituba sorcière et La vie scélérate, a été récompensée de nombreux prix au fil du temps.

Kim Thuy en direct avec ses amis

Alors qu'on pouvait suivre en direct la remise du prix sur le Web, Kim Thuy, auteure de RuMan et Vi, avait organisé un « Facebook Live » sur sa page, entourée d'une dizaine d'amis, dès 6 h du matin, même si elle avait très peu dormi, de retour d'un voyage à Calgary. « Sincèrement, je savais déjà que ça allait être Maryse Condé, j'en étais certaine, mais je voulais quand même qu'on se réunisse », a confié Kim Thuy, jointe par La Presse. « Je voulais que la Suède ressente qu'on est là, qu'on est content d'être là, parce que c'est un beau mouvement de citoyens, et on doit encourager le plus possible ce genre d'initiative. C'était pour célébrer ce prix, et pas ma victoire ou ma non-victoire ».

Au terme de cette aventure qui lui a apporté beaucoup d'attention, encore surprise d'avoir été parmi les finalistes, elle est arrivée à cette réflexion : « C'est vraiment grâce à nous, au Québec, qui avons voté, que je me suis retrouvée parmi les finalistes. Il y avait quand même des noms comme J.K. Rowling ou Margaret Atwood ! Ça prouve que si on est petit et qu'on se mobilise, on peut faire la différence. Ma présence sur cette liste provoque des questions auxquelles on doit penser. Je crois que c'est important de recommencer à réfléchir sur ce qu'est la démocratie et le système de vote, car avec la technologie, on ne peut plus fonctionner comme avant, et ce n'est pas la personne avec le plus grand nombre de lecteurs qui s'est retrouvée dans cette liste ! C'est presque une expérience sociale. On voit l'écart et le résultat qui ne correspond pas à l'écart. Je suis très contente d'avoir fait partie de cette aventure-là ! »