Professeur de philo au cégep Montmorency, musicien hip-hop, chroniqueur aux émissions C'est fou et On dira ce qu'on voudra sur ICI Radio-Canada Première, Jérémie McEwen nous invite à réfléchir avant de parler. Une idée toute simple qui paraît presque révolutionnaire en cette époque où les gens s'envoient promener au moindre prétexte dans les réseaux sociaux. On décortique Avant je criais fort avec son auteur.

Avant je criais fort

Jérémie McEwen

XYZ

172 pages

En librairie le mercredi 21 février

SERGE BOUCHARD

« Je côtoie Serge à la radio depuis trois ans et c'est bizarre de dire ça quand on est dans la trentaine, mais c'est un mentor. J'ai commencé à faire des chroniques dans les médias il y a un peu plus de cinq ans, à l'émission Bande à part, entre autres. Ils voulaient de l'opinion et j'écrivais donc des chroniques d'opinion très tranchées, d'où le titre de mon livre... Mais ça tournait à vide. Quand j'ai commencé à travailler avec Serge, j'ai vu qu'on n'était pas obligé de toujours avoir des opinions très tranchées, qu'on peut analyser les choses à partir de nos lectures et de nos réflexions. Serge est un modèle d'engagement intellectuel, j'ai envie de faire les choses à sa manière. Il y a clairement un lien entre mon livre et les livres Les lieux communs qu'ont publiés Serge et Bernard Arcand à l'époque où ils avaient leur émission de radio. Comme eux, je suis parti des textes que j'écris pour mes chroniques radiophoniques. Je trouvais qu'il y avait de la matière là. »

DÉBATTRE

« On dit que les Québécois n'aiment pas la chicane. Je l'ai entendu tellement souvent, mais je n'ai pas l'impression que c'est vrai. On adore ça, la chicane. On dirait que plus ça pète et que ça s'engueule, plus ça marche. J'ai l'impression qu'on pourrait proposer plus d'angles pour comprendre un problème plutôt qu'être bêtement pour ou contre quelque chose. Il y a moyen d'aller plus loin que ça, de prendre le temps de lire, de réfléchir, ça ne peut qu'enrichir le débat public. Quand je livre une chronique, j'aime présenter plusieurs facettes d'un même sujet. Je ne prétends pas régler quoi que ce soit, je veux qu'on se donne la permission d'essayer des choses et de se tromper parfois. »

LA PHILO

« J'ai une position un peu différente de celle de mes collègues qui disent que "la philo, c'est inutile et c'est tant mieux. Ça nous donne une pause, un recul". C'est vrai dans une certaine mesure, mais on peut aussi défendre l'utilité de ça. Il y a deux ans, j'ai créé un cours intitulé "La philosophie du hip-hop". La philo, ça peut être utile pour comprendre ce phénomène-là et ça peut s'appliquer à plein d'autres affaires. Je milite pour qu'il puisse y avoir davantage de cours arrimés au programme des étudiants. Quelqu'un qui étudie en arts pourrait avoir un cours de philosophie esthétique obligatoire, par exemple. »

LE HIP-HOP

« Pour reprendre la formule d'un collègue, il faut aller chercher la culture là où elle est. Moi, je m'intéresse au hip-hop depuis longtemps, j'en fais aussi, alors je me suis dit : pourquoi ne pas prendre ça comme matériau de base pour réfléchir ? Quand j'ai créé le cours de philo du hip-hop, j'anticipais une résistance de la part de certains de mes collègues, mais j'ai défendu mon truc et le cours a été accepté. Je le donne depuis trois hivers et il est très populaire. Aux États-Unis et en Europe, il existe des hip-hop studies, mais l'aspect philosophique est peu présent. Moi, ça m'intéresse. Le personnage central de mon cours est Tupac Shakur. C'était quelqu'un d'allumé qui lisait beaucoup. Il avait adopté le surnom Makaveli après avoir lu Le prince de Machiavel. C'est devenu le livre obligatoire du cours. On le lit, on analyse la pensée de Tupac et de Machiavel. Il y a des ponts très intéressants à faire entre les deux. Pour analyser Fuck tha Police, je me suis appuyé sur la notion de contrat social de Hobbes et la tradition de philosophie politique réaliste. Les trois premières semaines, les étudiants m'évaluent, je dois leur prouver que je connais ça (rires). Une fois cette étape franchie, on embarque et ça se passe super bien. »

LA BRIGADE DES MOEURS

« Avec mon ancien partenaire du groupe NSD (Nul si découvert), on se réunit le samedi après-midi, on fait de la musique, on improvise, c'est presque du bricolage, en fait. Il travaille la musique, puis on se renvoie la balle. Des thèmes philosophiques ont émergé. On a beaucoup de plaisir et on sort un album le mois prochain. Je vois ça comme une soupape dans ma vie. Ça me permet de faire autre chose. Je ne crie pas fort dans les médias, mais quand je fais du rap, je crie fort dans un micro. »

image fournie par XYZ

Avant je criais fort

PHOTO NINON PEDNAULT, archives LA PRESSE

Serge Bouchard