Origine, le plus récent livre de Dan Brown, se déroule en grande partie à Barcelone. Il était logique que l'écrivain y donne sa conférence de presse mondiale mardi dernier pour en souligner la sortie. Il a été question des grands thèmes de sa nouvelle oeuvre: religion, science, intelligence artificielle et avenir de l'humanité, mais aussi de son parcours d'écrivain, de son amour pour l'Espagne et de la crise politique catalane, qu'il a commentée en marchant sur des oeufs.

SUR L'ESPAGNE

De Séville à Madrid, en passant par Bilbao et Barcelone, Origine se déroule entièrement en Espagne. Un choix à la fois sentimental et logique, explique Dan Brown.

«L'Espagne est le premier pays que j'ai visité. J'avais 15 ans. Mes parents m'ont envoyé dans un programme d'études à Gijón. Je suis tombé amoureux des gens, de la culture, de cette aptitude tout espagnole à profiter de la vie.»

L'Espagne, ajoute-t-il, était l'endroit tout désigné pour cette nouvelle histoire, où science et religion croisent le fer. «Ce roman est sur le très ancien et le très moderne. L'Espagne a cette profonde tradition catholique et, en même temps, une vision pour l'avenir. N'oublions pas que l'un des ordinateurs les plus rapides au monde se trouve ici, au Supercomputing Center de Barcelone.»

SUR LA FOI

La religion est-elle un leurre? La vie s'explique-t-elle par Dieu? Jusqu'où faut-il croire? La science menace-t-elle l'Église? Ces questions sont au coeur d'Origine, mais aussi de la démarche personnelle de Dan Brown.

«Il est certain que les humains ont besoin d'une structure d'appui, dit-il. Nous n'aimons pas le chaos. Nous voulons sentir que quelqu'un est responsable. Je crois que la religion vient de là. Du besoin de sentir que quelqu'un veille sur nous. Quand j'étais petit, j'allais à l'église. Je croyais en Dieu. Une amie de 11 ans est morte de la leucémie. À l'enterrement, le prêtre a dit: "Ne t'en fais pas, ça fait partie du plan divin." Je me souviens d'avoir été terrifié. De m'être dit: "Je n'aime pas ce plan et je n'aime pas un Dieu qui a ce plan." C'est le moment où j'ai commencé à m'éloigner de la religion pour m'intéresser au monde de la science. Sauf que plus j'avançais dans la science, plus je me questionnais sur l'existence de Dieu et d'une possible force supérieure. J'ai la foi en notre besoin de comprendre, mais j'admets volontiers que je suis confus et que je cherche encore des réponses.»

SUR L'ÉGLISE PALMÉRIENNE

Cette secte catholique créée en 1978 est établie en Espagne, où elle possède son propre «Vatican» et son «antipape». On la retrouve mêlée à l'intrigue d'Origine, puisque le méchant de l'histoire, un ancien amiral, en est membre. C'est en faisant des recherches sur l'Opus Dei que Brown s'est intéressé à ce groupe religieux controversé. «Je l'ai inclus dans le roman comme un exemple d'extrémisme religieux en 2017», explique l'écrivain. Il précise que l'organisation n'a pas réagi au livre, étant actuellement - et depuis un bon moment - empêtrée dans des scandales de toutes sortes. «Je suis le cadet de leurs soucis!»

SUR LE «TECHNIUM»

La machine absorbera-t-elle un jour l'être humain? Un nouveau règne, le «Technium», est-il en train d'émerger? Quelles seraient les conséquences de cette mutation? Voilà d'autres questions au coeur d'Origine.

«Les scientifiques ne sont pas tous d'accord sur la façon dont la technologie va influencer notre avenir, explique Dan Brown. Il y en a qui sont optimistes et qui pensent qu'elle nous aidera à résoudre certains des plus gros problèmes du monde. Ils pensent que l'âge technologique sera la nouvelle Renaissance. D'autres pensent, au contraire, que les technologies pourraient un jour détruire l'espèce humaine. Leur argument est que, historiquement, l'Homme n'a jamais inventé une technologie qu'il n'a pas ensuite transformée en arme. Et qu'il serait naïf de croire que les nouvelles technologies ne seront pas utilisées de façon malsaine.»

Et qu'en pense l'écrivain? «Personnellement, je suis optimiste. Nous avons le pouvoir de nous faire exploser et nous ne l'avons pas fait. La raison, à mon sens, est qu'il y a plus d'énergie créative que d'énergie destructrice dans le monde. Plus d'amour que de haine... même si la haine est plus médiatisée.»

SUR LES SUPERSTARS DE LA TECHNO

L'un des personnages principaux d'Origine est le scientifique Edmond Kirsch. Sorte de croisement de l'inventeur Elon Musk et du futurologue Ray Kurzweil, cet informaticien hors norme incarne cette nouvelle génération de superstars des nouvelles technologies, qui voient le futur plus clairement que le commun des mortels... et qui ont les moyens d'accomplir leur vision. Pour Dan Brown, intégrer un tel influenceur était une façon de parler de notre époque.

«Il y a une réciprocité intéressante chez ces gens qui voient l'avenir et le créent en même temps. Dans leur façon de dire: voici où nous allons. Ma question est seulement: est-ce là où nous allons ou est-ce là que vous nous emmenez?»

SUR LE PROCESSUS D'ÉCRITURE

«Il n'a pas changé pour moi, affirme l'auteur. Après Da Vinci Code, il y a eu quelques semaines où j'étais un peu paralysé. Après, je me suis dit: attends, ça fait quatre livres que tu écris. Ne change pas. Écris le livre que tu aurais envie de lire. Ça m'a libéré. En général, les livres me prennent en moyenne trois ans et demi, avec un long travail en amont. Je commence par lire tout ce que je peux sur le sujet qui m'intéresse. Ensuite, je vais rencontrer des experts. Puis j'écris.»

SUR LE SUCCÈS

Les premiers bouquins de Dan Brown se sont très mal vendus. Et encore aujourd'hui, l'écrivain admet ne jamais savoir comment ses livres seront reçus. «Avec celui-ci, pour le moment, les gens sont enthousiastes. Mais je ne sais pas si Origine dépassera le succès de Da Vinci Code. Il y a tellement d'autres sources qui interpellent aujourd'hui le lecteur: l'internet, les séries télé, tout ça...» Seule certitude pour le moment: les droits d'Origine ont été achetés par Sony. «Ils disent qu'ils ont adoré.»

SUR LA CRISE POLITIQUE EN CATALOGNE

C'est le premier sujet qu'a abordé Dan Brown, un Américain, en conférence de presse, comme s'il voulait d'entrée de jeu évacuer la question, sachant qu'elle lui serait posée de toute façon. Il avait manifestement préparé son commentaire. Une réponse diplomate, voire politiquement correcte, où l'auteur a ménagé la chèvre et le chou. «Tout ce que j'ai à dire, c'est que j'ai un grand amour pour l'Espagne et un grand amour pour la Catalogne. C'est une période troublée qui me brise le coeur. J'espère que tout s'arrangera. Le dialogue est plus essentiel que jamais. Il faut prendre le temps d'écouter l'autre, de partager ses idées. Tous les pays vivent des périodes troublées. Le mien en vit en permanence...»

QUE RACONTE ORIGINE?

Le grand futurologue Edmond Kirsch, scientifique mondialement reconnu, s'apprête à révéler au monde sa plus grande découverte : la vérité sur l'origine et l'avenir de l'Humanité. Mais il est tué au moment de faire sa révélation en direct devant des millions de gens. Son ami Robert Langdon, présent lors de l'assassinat, tentera dès lors de retrouver le disque dur contenant cette information cruciale afin de la diffuser mondialement. Une aventure pleine de péripéties (évidemment) menée avec l'aide de la belle et brillante Ambra Vidal, directrice du musée Guggenheim de Bilbao, par ailleurs fiancée au futur roi d'Espagne. Le problème est que ce dernier est possiblement relié au meurtre.

Les frais de ce reportage ont été payés par Hachette.

Origine, Dan Brown, JC Lattès, 565 pages

PHOTO FOURNIE PAR JC LATTÈS

Origine, de Dan Brown