Ingrid Falaise a vendu plus de 55 000 exemplaires de son premier livre autobiographique Le monstre, où elle raconte ce qu'elle a vécu comme victime de violence conjugale. Pour le Québec, il s'agit d'un très bon succès de librairie. Deux ans plus tard, elle nous offre Le monstre - La suite.

En écrivant un deuxième livre, craigniez-vous que nous ne pensions que vous vouliez augmenter votre capital de sympathie ou faire plus d'argent ?

Oh ! Mon Dieu, non ! En lisant le livre, on comprend que je ne le fais pas pour ça. Et ça ne fonctionnerait pas si c'était juste pour ça. Ça fait 24 heures que le deuxième livre est sorti et je viens d'apprendre que nous sommes déjà en réimpression. Il y a un intérêt des lecteurs, qui veulent connaître la suite. De toute manière, ce n'est pas au Québec qu'on fait de l'argent en vendant des livres.

Le premier récit se termine quand vous quittez le monstre. Ce qui s'est passé après, c'est ce que nous explique le deuxième tome. Vous sentiez que c'était important de nous parler de votre reconstruction ?

Vous ne vous en rendez pas compte, mais je reçois plein, plein, plein de messages. Mon Facebook est toujours plein et je prends trois heures par semaine pour répondre. Les gens me racontent leurs histoires et la question qui revient tout le temps est : comment es-tu devenue la femme que tu es aujourd'hui ? Comment as-tu réussi à faire confiance de nouveau ? Et je me disais que je devais leur répondre. Je ne peux pas juste tourner la page et passer à autre chose. Ce n'est pas du jour au lendemain qu'on se reconstruit, ça ne fonctionne pas comme ça. J'avais besoin de leur répondre. Le monstre et Le monstre - La suite, ç'aurait pu être un seul tome et il aurait fait 800 pages. Je l'ai fait en deux. Là, c'est écrit et je vais passer à autre chose. J'écris déjà autre chose.

Vous devez recevoir beaucoup de témoignages depuis le premier livre. Pourriez-vous me parler de l'un d'entre eux qui vous a particulièrement marquée ?

Une femme m'a écrit une longue lettre pour me dire qu'elle avait vécu la même chose que moi, alors qu'elle était enceinte. Son conjoint la battait et il lui donnait même des coups dans le ventre. Elle me remerciait pour mon témoignage, parce qu'elle a décidé de quitter cet homme lorsqu'elle m'a lue. Elle me disait que j'avais sauvé sa vie et celle de son enfant.

Dans Le monstre - La suite, vous parlez de drogue, d'overdose, de soirées très arrosées, de réveils avec des inconnus, à deux et même à trois... Pourquoi avoir décidé de raconter tout ça ?

Je devais raconter toute ma descente aux enfers pour ensuite expliquer comment je me suis reconstruite. Je ne me suis pas censurée pour le premier ; je ne l'ai pas fait pour le deuxième. Oui, ce n'est pas beau, mais je dois me livrer. Une adolescente ou une femme se reconnaîtra peut-être dans mon témoignage, que ce soit par la drogue, l'automutilation, l'anorexie ou la boulimie. Elle pourra se dire qu'il y a de l'espoir pour elle, si elle est encore là-dedans. Et ça ne fait pas de moi une mauvaise personne. Comme en thérapie, je vous montre ce qu'il y a de plus laid, mais ce geste est beau. Parce qu'au final, regardez la femme que je suis devenue.

Quand avez-vous arrêté de vous mutiler ?

Je me suis automutilée longtemps. En état de crise de panique, il y a trois ans, je le faisais encore. La boulimie et l'anorexie aussi. Vers la fin, c'est surtout lorsque je n'arrivais pas à me sortir d'une crise de panique que j'allais m'enfermer dans les toilettes et le seul moyen que je trouvais pour me calmer était de me couper la peau pour me concentrer sur un autre mal. Ce sont des fuites, tu développes d'autres souffrances pour venir camoufler ton mal profond. La drogue, l'alcool, les gars, l'automutilation, ce sont des fuites.

Comment avez-vous réussi à cesser de fuir ?

La solution, c'est de se connecter à sa souffrance. Pour ma part, je crois vraiment qu'il faut l'aide d'un psychologue ou d'une thérapeute. Quand tu prends conscience que tu as besoin d'aide et que tu vas la chercher, c'est là que commence la vraie guérison. Moi, c'est après une dépression que j'ai admis que j'avais besoin d'aide. Sept ans après ma relation (avec le monstre). Beaucoup de femmes m'écrivent que ça ne les intéresse pas de rouvrir ces plaies-là. Et c'est ce que je raconte dans le deuxième livre : ces blessures-là, tu ne peux pas les enfouir. C'est comme un brasier qui est tout le temps allumé. Si tu ne l'éteins pas, il sera toujours allumé et il va faire des dommages collatéraux. Tu n'iras jamais bien.

Est-ce qu'il y a plus de monstres que nous l'imaginons dans la société ?

Chaque personne va rencontrer au moins un pervers narcissique dans sa vie, que ce soit un collègue de travail, un patron, un chum, une blonde, un ami... Ce sont des manipulateurs, des gens qui jouent avec toi. Ils font peur, ils installent la peur. Un jour, ils ne te prêtent pas d'attention, ils soupirent à tes propos et te ridiculisent. Le lendemain, ils te glorifient.

Aviez-vous honte de parler publiquement de votre histoire ?

Oui, j'avais honte et peur. J'avais peur d'être humiliée, parce que la blessure de l'humiliation est très présente dans une situation de violence conjugale. J'avais peur d'avoir l'air stupide, de ne pas être une bonne auteure, que les gens ne me prennent pas au sérieux, qu'ils ne me croient pas. Comme la plupart des victimes, en fait. C'est sûr que c'est honteux de raconter ça. Mais il ne faut tellement pas avoir honte, parce que ce n'est pas de ma faute, c'est moi, la victime. C'est lui qui m'a détruite.

Comment allez-vous aujourd'hui ?

Je rayonne, je me tiens droite, je n'ai plus honte d'être qui je suis.

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Le monstre - la suite

Ingrid Falaise

Libre Expression

400 pages