Avec Quinze ans après (2009), suite de son roman à succès Fanfan (1990), Alexandre Jardin avait, contre toute attente, délaissé l'amour volage pour chanter les louanges de celui en pantoufles. Sept ans plus tard, l'auteur ne peut s'empêcher de prêcher à nouveau les vertus d'une passion dévorante. De passage en ville pour présenter au Salon du livre Les nouveaux amants, son 25e roman, Alexandre Jardin a invité La Presse à discuter de l'amour fou autour d'un petit-déjeuner.

À 5 h du matin, c'est dans un Tim Hortons de la rue De La Gauchetière qu'Alexandre Jardin s'est installé pour écrire, tout en prenant son premier café de la journée.

Il faut dire que l'auteur a du pain sur la planche. Son prochain livre, qui sortira en février, ne parlera pas d'amour, mais bien de politique. Une nouvelle carrière qu'il est en train d'embrasser à travers le mouvement de La maison des citoyens, qu'il a mis sur pied en France en septembre dernier. C'est ironiquement cet engagement politique qui est la cause du retour d'Alexandre Jardin à la folie amoureuse dans Les nouveaux amants.

« Plus j'ai à traiter de problèmes lourds, plus j'ai besoin de rêver. Paradoxalement, c'est un livre qui naît d'engagements très sérieux. Quand je me retrouve dans un train après une grosse réunion, je préfère aller retrouver Roses », confie Alexandre Jardin en évoquant l'héroïne de son nouveau roman. Roses Violente, jeune femme de 25 ans, brûle d'amour pour Oskar, dramaturge à succès de 42 ans marié à une actrice. Avec sa nouvelle flamme rencontrée sur Twitter, il va vivre, en plus d'écrire, la pièce la plus turbulente de toute sa vie.

Twitter, mon amour

Utilisant abondamment les réseaux sociaux dans son roman, Alexandre Jardin voit en Twitter, Facebook et autres nouveaux canaux de communication un merveilleux retour à l'écriture.

« Pendant un moment, les hommes et les femmes avaient cessé de s'écrire. Là, ils recommencent. C'est ce qui arrive à mes personnages. Grâce à Twitter ou aux textos, Roses est un personnage qui met le feu, car elle crée du récit en permanence. »

« Les médias sociaux rendent fou, car c'est immédiat. Et je suis pour tout ce qui va rendre les hommes et les femmes fous ! »

Retour à la passion

Véritable hymne à la folie amoureuse, Les nouveaux amants semble ainsi une nouvelle étape dans la carrière d'Alexandre Jardin, sorte de retour à sa philosophie sur la passion naissant d'une nouvelle flamme à l'époque du Zèbre et de Fanfan, qu'il avait par la suite reniée à la faveur de la routine du couple uni pour la vie.

« C'est le vrai retour ! Je crois que c'est le fond de ma nature. J'aime la vie comme ça et les personnages comme ça. Roses est pour moi le fantasme absolu. Pourtant, cette fille est un enfer. Elle accélère et avance en même temps, mais le fait toujours très fort », explique l'auteur avant de confier : « Je crois que je me suis trompé au cours des dernières années. Il y a des moments dans la vie où on s'éloigne de soi. Mes engagements politiques m'ont ramené à mes fondamentaux. »

Un changement de cap pas toujours facile à assumer, tant pour l'écrivain que pour ses proches. « Ça fait paniquer tout le monde quand j'écris un roman comme ça ! Ça soulève des questions bien réelles, bien que ce soit un vrai roman », lance l'auteur qui a même tenu à préciser, à deux reprises dans son roman, que « l'auteur se réserve le droit de ne pas être en accord avec ces propos ».

« En vérité, j'ai eu peur de sortir ce livre. Cela m'a pris quelques semaines avant de l'assumer. Je ne sais pas trop comment l'intégrer, y compris dans ma propre vie. De temps en temps, on lâche la bride. Mais en publiant, je me suis demandé ce que j'avais fait ! »

Le romancier semble avoir été rattrapé par un héritage amoureux laissé par son père, l'écrivain Pascal Jardin, dit le Zubial. « On parlait beaucoup d'amour dans un atelier où on bricolait, le week-end. Il m'expliquait qu'aimer était la chose importante de la vie, qu'on n'était pas né pour autre chose. Il avait raison, il m'élevait bien ! », se rappelle avec nostalgie Alexandre Jardin, dont les parents formaient un couple ouvert.

« Mes parents étaient très fous. Je voyais qu'ils étaient plus vivants que les autres. Ils n'étaient pas vraiment spécialisés dans la fidélité. C'était aussi une autre époque : je voyais que les hommes qui se battaient pour ma mère avaient beaucoup d'éclat, de drôlerie et que ça ressemblait au cinéma. Dans le lot, il y a eu des metteurs en scène qui en ont fait des films ! Je voyais qu'on pouvait tirer beaucoup de fiction d'une réalité foisonnante en rebondissements », explique l'auteur.

Pas étonnant qu'Alexandre Jardin ait choisi de plonger les deux protagonistes des Nouveaux amants dans une histoire digne des grandes fictions romantiques.

« Cet homme a la chance de tomber sur cette femme qui est l'incarnation du roman et du coup de théâtre. Ils vont vivre une fiction. Mais qu'est-ce qui nous retient de vivre comme cela ? Pourquoi en est-on réduit à aller au théâtre ou au cinéma ? Il faut oser vivre comme au théâtre », lance l'auteur qui s'est amusé à distribuer son roman Gare de Lyon aux femmes qui semblaient manquer d'un peu de folie dans leur vie.

Amour politique

En septembre dernier, Alexandre Jardin a lancé dans un café parisien La maison des citoyens. Il s'agit d'un regroupement de citoyens qui ne se reconnaissent pas à travers l'offre partisane actuellement disponible en France. Alexandre Jardin a eu cette idée pour tenter de donner une voix aux gens qui ne votent pas (plus de 50% d'abstention aux dernières élections) mais qui sont en colère contre l'ordre établi. Deux mois plus tard, plus de 180 antennes du mouvement se sont créées en France et à l'étranger, dont à Montréal où Alexandre Jardin a participé jeudi soir à un Facebook Live. Est-il devenu difficile pour lui de faire cohabiter l'auteur et le politicien ?

« Dans l'imaginaire français, un engagement fort d'un écrivain français n'est pas normal. Surtout dans un pays au bord d'un grand craquement. Tous les candidats en France ne sortiraient pas un bouquin pareil ! », lance l'écrivain qui rêve d'une véritable démocratie citoyenne en France.

« Les gens ne comptent plus en France. Cinquante-huit pour cent des gens n'ont pas voté aux dernières élections. J'ai voulu lancer la Maison des citoyens pour donner une voix à tous ceux qui ne comptent pas. »

« L'énorme colère française n'avait que les extrêmes pour s'exprimer. Tous les partis proposent des changements de contenus, pas de méthode. Je veux un changement radical de méthode en donnant du pouvoir aux territoires, aux gens qui ont acquis de la légitimité par leurs actions », explique Alexandre Jardin qui est même prêt à se présenter à la prochaine élection présidentielle française.

Mais ne demandez pas à l'auteur de choisir entre ses romans et sa plateforme politique. « Si je n'écris pas, psychiquement, je meurs ! », avoue-t-il. « Même si je me retrouve à la tête de l'État, je vais écrire quand même », assure Alexandre Jardin.

• Les nouveaux amants

• Alexandre Jardin

• Grasset

• 342 pages

image fournie par grasset

Les nouveaux amants, d'Alexandre Jardin