Après Territoires inconnus, essai très personnel sur la course sorti il y a un, le comédien Patrice Godin publie cet automne un premier roman, Boxer la nuit. Celui qu'on peut voir en ce moment dans le film 1:54 de Yann England nous a parlé de sa vie en livres.

Votre premier souvenir de lecture?

Une version illustrée et à gros caractères de Barbe-Bleue, le conte de Perrault, quand j'étais en première année du primaire. J'étais fasciné à la fois par l'histoire et par les illustrations. C'est plutôt violent comme conte, même adouci pour les petits. La pièce secrète, les épouses mortes, le sang sur la clé, la menace de Barbe-Bleue à sa jeune femme... Je m'en souviens assez clairement. J'avais eu la permission d'apporter le livre chez moi pour toute une fin de semaine et je l'ai lu et relu, feuilleté et refeuilleté. J'avais aussi beaucoup de livres-disques à la maison, une jolie collection. Le matin, au lieu de la télé (deux postes en noir et blanc...), je m'installais avec mes petits livres et je lisais et écoutais l'histoire.

Le livre qui a changé votre vie?

Je parlerais plus d'un auteur que d'un livre. Il s'agit de Philippe Djian. J'avais acheté 37°2 le matin un peu par ennui à la gare d'autobus lors d'un voyage Québec-Montréal à la fin des années 80. Je n'avais pas encore vu le film. Dès les premières pages, son style m'a frappé de plein fouet et je me reconnaissais à travers son écriture et sa vision du monde, même si je ne faisais pas partie de sa génération. Aussi, d'une manière plus profonde, il a grandement contribué à mon éducation littéraire. Quand Djian nommait un écrivain, j'allais tout de suite le lire. Kerouac, Miller, Harrison, Bukowski, Dante, plein d'autres, c'est Philippe Djian qui me les a montrés du doigt, qui m'a dit de m'accrocher à eux. Et de l'un à l'autre, j'ai fait mon propre chemin.

Le livre qui est sur votre table de chevet en ce moment?

Plaidoyer pour l'altruisme de Mathieu Ricard. J'en lis et relis quelques pages, le soir, avant de me coucher. À petites doses. C'est une bonne brique, j'y mets tout mon temps. J'essaie d'absorber, d'assimiler chaque passage. Je ne suis pas pressé pour ce livre. C'est un livre qui se médite autant qu'il se lit.

Le livre que vous relisez tout le temps?

J'ai beaucoup relu Djian. Trop. J'ai fini par m'en détacher. Dernièrement, c'était Échine. J'étais curieux de voir si ça vieillissait bien et je voulais reprendre connaissance de la relation père-fils qui est à la base de cette histoire. Ça fonctionne encore pour moi, beaucoup mieux que ses plus récents romans. Sinon, j'aime relire de la poésie à voix basse. Neruda, García Lorca ou Denis Vanier, que j'adore.

Celui que vous n'avez jamais lu, vous ne savez pas pourquoi?

Les Nouvelles complètes d'Ernest Hemingway publiées chez «Quatro Gallimard». J'ai lu plusieurs des romans de Hemingway: Le soleil se lève aussi, Pour qui sonne le glas, Paris est une fête, Le vieil homme et la mer, bien sûr. Mais ce recueil de toutes ses nouvelles, il est comme neuf dans ma bibliothèque, quoiqu'un peu poussiéreux. Je ne m'explique pas pourquoi. Je devrais traîner ce bouquin partout avec moi. Lire une nouvelle de temps à autre, peinard. Mais non. Ce livre est l'un de mes grands négligés.

Ce que vous avez l'intention de lire cet automne?

Essentiellement des livres qui ont un lien plus ou moins rapproché avec le roman que j'ai en tête: Ils ont couru l'Amérique, tome 2 de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, Team Dog - How to Train Your Dog the Navy SEAL Way de Mike Ritland et Yellow Birds de Kevin Powers. Pour l'instant, ils sont sur mon bureau de travail, sauf Yellow Bird qui est dans mon sac. Je risque de me promener de l'un à l'autre. C'est souvent comme ça, j'ai des livres dans toutes les pièces de la maison, ou presque, et j'en traîne toujours un avec moi. Là, au Salon du livre de Rimouski, je viens tout juste de mettre la main sur un livre de poésie de Natasha Kanapé Fontaine, Manifeste Assi. Je m'y plonge à l'instant.