En mars dernier, Cynthia Dulude a été la première vedette québécoise de YouTube à publier un livre, Petit guide de la beauté. Cette youtubeuse montréalaise a lancé en 2011 son vlogue de conseils maquillage, qui atteint maintenant 435 000 abonnées.

«Le printemps dernier, deux maisons d'édition m'ont contactée à 24 heures d'intervalle, dit Cynthia Dulude. J'étais vraiment surprise. Finalement, j'ai en choisi une autre. Un livre était un rêve un peu fou que j'imaginais en fin de carrière.»

L'écriture a-t-elle été difficile? «Non, j'écrivais déjà sur mon blogue, que j'ai lancé un an après ma chaîne YouTube. Le défi était de trouver du temps.»

Travaille-t-elle à une autobiographie, comme de nombreux youtubeurs passés au papier, dont Marie Lopez, sa concurrente française? «On m'a posé la question quand j'ai parlé de mon livre à venir», dit la jeune femme, qui préfère personnellement les livres imprimés aux versions électroniques «pour avoir quelque chose de concret dans les mains». «Mais je trouverais ça prétentieux, j'ai seulement 23 ans.»

Nicolas Doucet, directeur général de la maison d'édition ADA, qui publie Cynthia Dulude, explique que le livre de conseils beauté est plus facile à vendre dans un petit marché comme le Québec. «Le projet a vu le jour justement à cause de sa popularité sur le site de vidéos, dit M. Doucet. Ça répondait directement aux besoins de sa clientèle. Nous ne sommes pas contre un produit dérivé pour d'autres youtubeurs, mais il faudra évaluer chaque cas. Nous avons déjà sorti deux livres de parodies du groupe de musique Blé, qui avaient mis en ligne des vidéos racontant l'histoire romancée de la création de leur groupe.»

L'automne dernier, le livre Fiston de Jonathan Roberge a été publié avec un autocollant indiquant la popularité de ses vidéos internet, qui ont attiré «15 millions de visiteurs». M. Roberge a une carrière hybride à la télévision et sur l'internet, mais pas sur YouTube.

«Je crois que les éditeurs vont trouver là une mine d'or de livre», dit Myriam Comtois, qui s'est occupée de la promotion du livre de M. Roberge. «Le phénomène est nouveau, mais je sais que beaucoup d'éditeurs suivent les blogues afin de trouver de nouveaux auteurs. Il suffit qu'un succès fonctionne très bien sur le web pour qu'il attire certains éditeurs. Ça s'en vient!»

La publication de livres écrits par des vedettes de YouTube reflète la frilosité grandissante de l'édition face aux parfaits inconnus, selon Antonio Dominguez Leiva, un professeur de littérature de l'UQAM qui vient de publier le livre YouTube théorie.

«Grâce à la culture participative de YouTube, les individus peuvent faire de la convergence comme les grands studios de cinéma avec leurs films de superhéros Marvel. Et les éditeurs recherchent justement des auteurs qui ont déjà un auditoire, des vedettes de sport, des politiciens. Ironiquement, les écrivains gagnent maintenant leur vie en écrivant des livres pour d'autres.»

Pourrait-il en émerger un nouveau style littéraire? «Ces auteurs ont ce qu'on appelait autrefois l'esprit, dit M. Dominguez Leiva. Ça n'a rien à voir avec la qualité littéraire.»