C'est en cherchant une figure poétique féminine que Sylvie Paquette a découvert la poésie d'Anne Hébert. « Je voyais ce que les 12 hommes faisaient avec Miron, un travail qui est si magnifique, et je me suis demandé pourquoi il n'y avait pas une parole de femme mise à jour comme ça, appuyée par la chanson. »

Ne se considérant pas comme une « littéraire », la chanteuse et compositrice a demandé à une amie, la jeune auteure Émilie Andrewes, qui était, selon elle, la plus grande poète du Québec. Celle-ci lui a tout de suite parlé de l'auteure du Tombeau des rois.

« Bien sûr, il y en a d'autres, comme Rina Lasnier ou Marie Uguay », commente Sylvie Paquette qui, « comme tout le monde », avait lu les romans d'Anne Hébert. Mais pas sa poésie. « Quand j'ai commencé à lire ses textes, ç'a été un coup de coeur instantané. Je m'y suis tout de suite identifiée. »

Ce qu'elle a aimé ? La puissance des sentiments, une intensité dans laquelle elle s'est reconnue, une rigueur qui l'a influencée, la précision, la présence de la nature. Bref, un univers singulier « qui n'appartient qu'à elle ».

« C'est une parole très moderne, parce qu'intemporelle. Il n'y a pas de temps, et beaucoup d'espace. », dit Sylvie Paquette, au sujet de la poésie d'Anne Hébert.

La chanteuse raconte s'être complètement immergée dans le livre Poésie, oeuvres complètes d'Anne Hébert, et que les musiques sont ainsi montées facilement. « Mais sur plusieurs années, car je faisais autre chose en même temps. »

Autre chose, c'était bien sûr produire son cinquième disque, Jour de chance, en 2013. Et aussi collaborer avec Chloé Sainte-Marie sur À la croisée des silences, sorti à l'automne 2014, pour qui elle a mis en musique une dizaine de poèmes. Des textes majeurs de Hector de Saint-Denys Garneau, Patrice Desbiens, Roland Giguère, Paul-Marie Lapointe... et même d'Anne Hébert.

Hasard

Lorsqu'elle s'est rendu compte, il y a deux ans, que le centenaire d'Anne Hébert était sur le point d'arriver, Sylvie Paquette a pris la décision de faire aboutir ce projet qu'elle menait en dilettante, « presque en secret ».

« Et puis j'avais déjà 10 chansons sur 14 de composées. » Les textes ont été choisis au hasard « mais pas vraiment par hasard non plus », au gré de ses lectures, de ses coups de coeur et de ses différents états d'esprit. « Ce n'est pas le genre de disque qu'on fait vite de toute façon. Il en fallait des jours et des nuits. Que la vie me traverse. »

Avec Philippe Brault et Yves Desrosiers à la réalisation et Mathieu Houde à la direction artistique, la chanteuse s'est entourée de collaborateurs aguerris qu'elle savait en mesure de comprendre et de respecter ses choix musicaux. « Je voulais faire un disque intime, avec peu d'arrangements, où la poésie est devant. Avec les musiciens, nous y sommes allés aussi avec beaucoup de retenue. J'ai voulu laisser le texte nous parler plutôt que de le performer. Ça prend des années d'expérience pour arriver à ça. C'est ce qu'on peut appeler la maturité... »

« C'est un disque intimiste, comme la poésie qui nous amène toujours rapidement dans l'intériorité, je trouve. La poésie, c'est la vie. » - Sylvie Paquette

La compositrice est habituée de travailler avec des paroliers de renom, de Daniel Bélanger à Jean Fauque. « J'ai collaboré avec de belles plumes, mettons. » Mais utiliser des poèmes « qui se tiennent en soi » est pas mal différent. « Ils sont déjà complets, parfaits. La musique est là surtout pour ajouter un certain éclairage. »

Chaque poème est d'ailleurs reproduit intégralement dans le livret. Mais Sylvie Paquette en a aussi « tourné » certains pour en faire des chansons, répétant des phrases ou des strophes pour créer des refrains ou permettre à l'oreille de s'appuyer.

« Ce n'est pas évident, car il y a beaucoup de prose, des textes plus courts, d'autres très denses... », explique-t-elle. Ils ne sont d'ailleurs pas placés en ordre chronologique de création. « J'ai voulu raconter une histoire à ma façon. »

Rencontre

Quand on lui parle de Thomas Hellman, qui s'est beaucoup promené grâce à son disque de poèmes de Roland Giguère, Sylvie Paquette est fébrile. « J'espère suivre son chemin, je le souhaite, j'y travaille ! », dit la chanteuse, qui estime avoir fait un disque avant tout chansonnier et empreint de douceur.

« Les gens qui l'ont écouté me disent que c'est tellement moi ! C'est moi dans la musique et la voix, mais avec les mots d'Anne Hébert, une rencontre entre mon univers et le sien qui est assez naturelle finalement. C'est mon humble apport pour célébrer cette oeuvre immense, de moi qui fais de la chanson depuis 30 ans et qui dis voilà, j'ai déposé des mélodies avec ma voix sur ces quelques poèmes. Je me sens très privilégiée », dit la chanteuse qui, par un étrange hasard, vit maintenant à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, dans le village natal d'Anne Hébert.

« Ce lieu m'a beaucoup inspirée pendant l'enregistrement, il m'a aidée à comprendre d'où elle vient. Chaque fois que je passe devant le cimetière où elle est enterrée, je la salue. Et le Torrent, je n'ai pas besoin de me l'imaginer, je l'entends chaque jour ! »

Si Anne Hébert lui a déjà beaucoup apporté, elle a l'intuition que « ce n'est que le début », ajoute-t-elle. « J'espère que ce disque permettra aux gens de se connecter à ce qu'ils sont, à leurs émotions, à une certaine vérité. Qu'il donnera le goût de la beauté et la permission de ressentir des choses intenses. J'espère qu'il fera du bien, en gros. »

Terre originelle

Sylvie Paquette

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