Le poète et prix Nobel de littérature chilien Pablo Neruda a été à nouveau inhumé mardi, l'exhumation de ses restes en 2013 n'ayant toujours pas permis de déterminer s'il avait été assassiné par des agents de la dictature d'Augusto Pinochet.

Après un hommage populaire à Santiago, le cercueil contenant les restes de l'auteur de Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée ont été transférés mardi matin à Isla Negra (à 120 km à l'ouest de la capitale), son dernier lieu de résidence, et inhumés.

Le cercueil était recouvert d'un drapeau chilien et une vingtaine de proches et de membres de la fondation gérant son oeuvre ont assisté à la cérémonie sous un grand soleil.

«Camarade Pablo Neruda présent, maintenant et toujours!», a clamé un petit groupe du parti communiste, où Pablo Neruda a milité toute sa vie.

«Aujourd'hui pour nous, il ne s'agit pas de funérailles, bien au contraire. Revenir à Isla Negra, c'est regarder à nouveau la mer et regarder à nouveau la mer, c'est revivre, surtout pour un poète», a déclaré aux journalistes Raul Bulnes, le président de la Fondation Pablo Neruda.

Dans l'après-midi, un groupe d'habitants de la petite cité balnéaire s'est réuni autour de sa tombe pour célébrer, en musique et en lisant ses textes, le retour de son enfant prodige. Une fillette a récité Ode à l'amour, l'un de ses poèmes les plus fameux. 

Fatale injection? 

Près de quarante-trois ans après sa mort, en 1973, Pablo Neruda repose à nouveau, comme il l'avait souhaité, dans le jardin de sa villa face au Pacifique, au côté de Matilde Urrutia, sa troisième femme.

Après une longue bataille judiciaire, ses restes avaient été exhumés en avril 2013 pour tenter d'éclaircir les circonstances de son décès. Les analyses n'ont, pour l'heure, pas apporté de réponse définitive.

«C'est impossible d'imposer l'oubli, nous espérons qu'un jour les vraies raisons de la mort de Neruda sortiront au grand jour», assurait mardi à l'AFP le militant communiste Patricio Aguilar, venu avec un drapeau rouge orné de la faucille et du marteau pour dire adieu à son «camarade».

Selon le certificat de décès rédigé par la junte militaire alors au pouvoir, le poète est mort à 69 ans d'un cancer de la prostate, quelques jours après le coup d'État de 1973.

Mais en 2011, son chauffeur de l'époque et assistant personnel, Manuel Araya, a affirmé que sa mort était due à une mystérieuse injection faite la veille de son départ pour le Mexique, où il comptait s'exiler pour y mener l'opposition au général Pinochet.

«Neruda a été assassiné», déclarait M. Araya à l'AFP en 2013.

Une enquête judiciaire avait alors été ouverte, tandis que d'autres témoignages venaient semer le doute en assurant que Pablo Neruda était en forme jusqu'à la fameuse injection.

La mort en 1982, dans la même clinique de Santiago où se trouvait le poète, de l'ex-président Eduardo Frei (1964-1970), venu pour une opération de routine et qui pourrait avoir été empoisonné, a renforcé la thèse d'un assassinat de Neruda.

En mai 2014, une équipe de chercheurs espagnols a révélé la présence massive de bactéries, des staphylocoques dorés, qui auraient pu être inoculées par des agents de la dictature.

Les résultats d'une ultime analyse sont encore attendus en mai pour clore cette procédure initiée il y a trois ans.

Quatre laboratoires, aux États-Unis, en Espagne, en Norvège et au Danemark, analysent l'ADN des bactéries retrouvées sur la dépouille du poète.

«Même si toutes les éléments montrent qu'il s'est agi d'un crime, ce sera très difficile techniquement de le prouver», a expliqué à l'AFP l'avocat du Parti communiste chilien, Eduardo Contreras, à l'origine de la demande.

Certes, les technologies sont beaucoup plus avancées aujourd'hui, mais le temps a passé et les conditions dans lesquelles le corps avait été enterré - en bordure de mer - pourraient empêcher de jamais connaître les causes de sa mort, selon lui.

ARCHIVES AP

Pablo Neruda en 1971.