L'écrivain italien Erri De Luca a été acquitté lundi par le tribunal de Turin, qui le jugeait pour «incitation au sabotage» du chantier du tunnel Lyon-Turin, a annoncé la présidente du tribunal.

Cette dernière, Immacolata Iadeluca, a prononcé ce verdict peu après 13h, déclenchant aussitôt dans la salle d'audiences les vivats et les cris de joie des partisans de l'écrivain italien, prix Femina étranger en 2002 pour son roman Montedidio. «Le délit n'est pas constitué», a encore brièvement dit la présidente. Les attendus de cette décision ne seront pas connus avant plusieurs semaines.

Le parquet de Turin avait pourtant requis huit mois de prison ferme à l'encontre de l'écrivain, âgé de 65 ans, qui de son côté a toujours défendu sa liberté d'expression.

«Une injustice a été évitée», a-t-il brièvement commenté peu après ce verdict.

Avant que la cour ne se retire pour délibérer peu après 9h30, Erri De Luca avait redit lors d'une déclaration spontanée devant le tribunal, qu'il était convaincu que «la ligne prétendûment à grande vitesse en val de Suse (devait) être freinée, entravée, donc sabotée pour la légitime défense de la santé, du sol, de l'air, de l'eau d'une communauté menacée».

«Io sto con Erri»

«Je suis inculpé pour avoir employé le verbe saboter. Je le considère noble et démocratique», avait-il encore estimé le matin, debout, alors qu'une petite centaine de personnes, certaines avec une écharpe proclamant «io sto con Erri» (je soutiens Erri), s'étaient assises dans la salle.

«Je défends l'origine du mot saboter dans son sens le plus efficace et le plus vaste, a ajouté l'écrivain d'une voix assurée. Je suis prêt à subir une condamnation pénale pour son emploi, mais non pas à laisser censurer ou réduire ma langue italienne».

Lors de la précédente audience, le 21 septembre, Erri De Luca avait confié s'attendre «au maximum», soit cinq ans de prison ferme et s'était dit étonné d'un réquisitoire qu'il avait jugé «a minima».

«Erri De Luca a bien utilisé le mot sabotage», avait fait valoir avec force arguments le procureur de Turin, Antonio Rinaudo, énumérant les différentes «attaques» contre le chantier du Lyon-Turin ayant suivi l'entretien de l'auteur avec plusieurs médias italiens en septembre 2013.

«Ce réquisitoire est un message sur la liberté d'expression», avait répliqué pour la presse M. De Luca durant une suspension d'audience, se disant «ni un martyr, ni une victime».

Lors de l'entrevue en question, l'écrivain, écologiste longtemps militant d'extrême gauche, avait confirmé son soutien sans faille au mouvement s'opposant au projet de liaison rapide entre Lyon et Turin, baptisé en Italie «No TAV» (Non au TGV).

Dans sa plaidoirie, son avocat, Me Gianluca Vitale avait demandé la relaxe de son client, évoquant les paroles de Charles de Gaulle, qui avait déclaré «on n'emprisonne pas Voltaire» lorsque Jean-Paul Sartre s'était opposé à l'usage de la torture en Algérie.

Une pétition européenne, lancée par le comité de soutien de l'écrivain, a reçu la signature de plus de 500 personnalités du monde de la culture, issues de 20 pays différents.

Début janvier, 47 opposants au chantier avait été condamnés à des peines de prison ferme pour des heurts violents avec la police italienne en juin et juillet 2011, tandis que six autres avaient été acquittés.

Un total de 150 années de prison ont été infligées dans cette affaire.